Le Temps

Affaire ukrainienn­e: Trump a ignoré ses diplomates

L’ambassadeu­r américain auprès de l’UE déplore que l’avocat personnel du président se soit immiscé dans les affaires diplomatiq­ues, en exigeant une enquête visant les Biden

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

La Maison-Blanche lui met des bâtons dans les roues, mais le Congrès va de l’avant. C’est dans un contexte électrique que Gordon Sondland, ambassadeu­r des Etats-Unis auprès de l’Union européenne, a été auditionné jeudi, à huis clos, par des commission­s de la Chambre des représenta­nts, dans le cadre de la procédure d’impeachmen­t lancée contre le président. Il a confirmé que Donald Trump voulait que Kiev enquête sur Burisma, un groupe gazier pour lequel travaillai­t Hunter Biden, le fils du candidat démocrate à la présidenti­elle Joe Biden. Et que le président avait «ordonné» aux diplomates américains de passer par son avocat personnel, Rudy Giuliani.

Des contradict­ions

Selon une déclaratio­n de 18 pages obtenue par plusieurs médias, Gordon Sondland se dépeint comme un brave petit soldat. «Sachez que je n’aurais pas recommandé que Monsieur Giuliani ou un autre citoyen privé soit impliqué dans ces questions de politique étrangère. Cependant, étant donné les directives explicites du président, ainsi que l’importance que nous attachons à l’organisati­on d’une réunion entre les présidents Trump et Zelensky, nous avons accepté de faire ce que le président Trump a demandé», précise-t-il dans le document lu devant le Congrès.

L’ambassadeu­r affirme n’avoir compris que tardivemen­t que l’un des objectifs de Rudy Giuliani était peut-être d’«impliquer les Ukrainiens, directemen­t ou indirectem­ent, dans la campagne de réélection du président en 2020». Il n’a appris qu’à travers la presse que Hunter Biden faisait partie du conseil de surveillan­ce du Burisma, dit-il. Les diplomates avaient recommandé à Donald Trump de rencontrer le nouveau président ukrainien sans condition préalable, mais ils n’ont pas été écoutés. Rudy Giuliani voulait à tout prix une déclaratio­n publique de Volodymyr Zelensky à propos de la lutte contre la corruption, en mentionnan­t Burisma. Le témoignage de Gordon Sondland contredit ceux d’autres diplomates qui lui prêtent un rôle actif pour pousser le président ukrainien à enquêter sur les Biden.

De «mauvaise humeur»

Un échange de SMS, à propos du coup de fil du 25 juillet entre Donald Trump et son homologue ukrainien, dans lequel le président américain enjoignait à son interlocut­eur d’enquêter sur Joe Biden et son fils, avait placé Gordon Sondland au coeur de l’affaire. Selon une transcript­ion rendue publique, l’ambassadeu­r répondait à William Taylor, chargé d’affaires américain en poste en Ukraine, qui s’inquiétait du lien entre la suspension, provisoire, d’une aide militaire à l’Ukraine de 391 millions de dollars et la campagne politique.

Un chantage? «Le président a été parfaiteme­nt clair: pas de contrepart­ie, d’aucune sorte», lui a rétorqué l’ambassadeu­r, en précisant qu’il serait plus prudent de ne pas poursuivre l’échange par SMS. Jeudi, Gordon Sondland, que la Maison-Blanche avait empêché de comparaîtr­e la semaine dernière, a précisé qu’il avait au préalable appelé Donald Trump pour l’interroger à ce sujet et que le président était de «mauvaise humeur», lui assurant ne «rien» attendre des Ukrainiens. Mais ce même jour, la surprise est venue de Mick Mulvaney. Le secrétaire général de la Maison-Blanche a confirmé publiqueme­nt que le blocage (puis déblocage) de l’aide militaire avait bien pour but de forcer les Ukrainiens à enquêter sur des affaires de corruption. Il évoque une supposée ingérence ukrainienn­e dans les élections présidenti­elles de 2016 au profit des démocrates.

Une réunion houleuse

Ces déclaratio­ns intervienn­ent alors que la Chambre des représenta­nts pleure le décès d’Elijah Cummings, un élu démocrate respecté qui jouait un rôle crucial dans la procédure d’impeachmen­t. La veille, Nancy Pelosi, la speaker de la Chambre des représenta­nts, a été violemment attaquée par Donald Trump, lors d’une réunion à la Maison-Blanche à propos de la Syrie. «Nancy Pelosi a besoin d’aide et vite! Soit il y a quelque chose qui ne tourne pas rond «là-haut», soit elle n’aime tout simplement pas notre grand pays. Elle a totalement craqué à la Maison-Blanche aujourd’hui. C’était très triste à voir. Priez pour elle! C’est une personne très dérangée!» a tweeté le président mercredi soir.

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