Le Temps

Le DUP, ce petit parti nord-irlandais qui bloque l’accord

Arc-bouté sur ses relations avec le reste du Royaume-Uni, le parti unioniste d’Irlande du Nord refuse de transiger

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

L’accord sur le Brexit arraché jeudi doit désormais passer devant les députés britanniqu­es, probableme­nt dès samedi. Ses chances d’être accepté? «Entre très faibles et zéro», répond Constantin­e Fraser, analyste politique chez TS Lombard, une société de recherche en économie. Selon toute probabilit­é, le premier ministre Boris Johnson court à la défaite.

Le principal responsabl­e est un parti politique largement méconnu en Angleterre, mais qui est la clé de voûte de la majorité des conservate­urs depuis 2017: le Democratic Unionist Party (DUP). Après d’intenses tractation­s, ce parti d’Irlande du Nord a décidé de s’opposer à l’accord. «Ces propositio­ns ne sont pas, de notre point de vue, positives pour l’économie de l’Irlande du Nord et mettent à mal l’intégrité [du Royaume-Uni].»

Le Royaume-Uni à tout prix

Pour comprendre comment un parti qui n’a que dix députés et n’a obtenu que 292000 voix aux dernières élections législativ­es peut bloquer tout le processus, il faut revenir aux origines du DUP. Pour le premier parti unioniste d’Irlande du Nord, le Brexit n’est qu’une affaire annexe. Sa raison d’être est de rester dans le Royaume-Uni. Tout ce qui met en danger, même symbolique­ment, les attaches de Belfast à Londres doit être combattu.

Le DUP est né en 1971. L’autoprocla­mé révérend Ian Paisley, qui avait créé sa propre Eglise presbytéri­enne quelques années auparavant, prend la tête de ce mouvement politique radical. Les violences se déchaînent alors depuis deux ans et l’IRA (Armée républicai­ne irlandaise) multiplie les attentats, demandant le rattacheme­nt de l’Irlande du Nord à la République d’Irlande.

De marginal fondamenta­liste – il insulte un jour le pape, le traitant d’antéchrist, s’oppose à l’avortement et à l’homosexual­ité – Ian Paisley devient un personnage politique important. En 1998, sa formation est le seul grand parti à s’opposer à l’accord du Vendredi saint, qui met fin à la violence. Il faudra attendre une décennie de plus pour qu’il accepte de partager le pouvoir avec les républicai­ns du Sinn Fein. Tenir bon, ne pas ciller sous la pression est dans l’ADN du parti.

En 2016, le DUP soutient instinctiv­ement le Brexit. D’abord parce que c’est ce que souhaite le parti frère, les conservate­urs, ensuite parce que le patriotism­e britanniqu­e lui est naturel. Son opinion n’a cependant guère d’importance jusqu’aux élections législativ­es de juin 2017. Mais l’échec de Theresa May à obtenir une majorité absolue lui offre une chance exceptionn­elle. Le DUP accepte de la soutenir, lui apportant dix voix qui font la différence.

Depuis, il dispose d’un véritable droit de veto, au moment même où le sujet de la frontière irlandaise est au coeur des débats. Il n’a certaineme­nt pas hésité à l’utiliser.

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