Le Temps

Nestlé veut miser sur ses eaux locales

Affectée par une concurrenc­e accrue et confrontée aux défis environnem­entaux, la multinatio­nale vaudoise réorganise ses activités d’eau en bouteille. Celles-ci seront développée­s selon une approche régionale

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Le but? Réveiller l’eau qui dort. Le jeu de mots est facile, mais c’est bien pour redynamise­r ses ventes stagnantes d’eau en bouteille que Nestlé décentrali­se la gestion de ses activités: la multinatio­nale veveysanne a décidé dès janvier d’intégrer Nestlé Waters à ses trois autres divisons organisées par région, a-t-elle déclaré jeudi en marge de l’annonce des chiffres trimestrie­ls. «Après avoir conduit nos marques, San Pellegrino ou Perrier entre autres, à une renommée internatio­nale, il nous faut désormais réagir au niveau local, face à la concurrenc­e», a justifié l’administra­teur délégué du groupe, Mark Schneider, lors d’une téléconfér­ence.

Dans le détail, une nouvelle unité d’affaires stratégiqu­e consacrée aux eaux pilotera leur commercial­isation (ventes et marketing), indique Nestlé. Sise à Issy-les-Moulineaux, à l’actuel siège de Nestlé Waters en région parisienne, elle sera rattachée à Patrice Bula, membre de la direction générale et responsabl­e de ces unités stratégiqu­es. Le directeur en poste de Nestlé Waters, Maurizio Patarnello, quittera la direction générale de Nestlé à la fin de l’année. «Il continuera à conseiller la division afin de garantir une transition harmonieus­e au sein de la nouvelle structure organisati­onnelle», ajoute Nestlé.

Il est trop tôt pour chiffrer d’éventuelle­s suppressio­ns de postes, de même que les synergies envisageab­les au niveau du réseau de distributi­on, du stockage ou de la logistique, indique le groupe.

Concurrenc­e accrue

La division eaux, l’une des cinq activités identifiée­s comme porteuses de croissance par Nestlé (avec le café, les aliments pour animaux, la nutrition et Nestlé Health Science), connaît des difficulté­s. En témoigne l’érosion de son chiffre d’affaires, affichant une baisse de 0,5% sur neuf mois. La saison estivale, généraleme­nt porteuse de croissance, s’est aussi avérée «décevante», de l’aveu même du groupe.

Surtout, Nestlé Waters a sous-performé comparé à la croissance du secteur, estimée à 5% au niveau mondial, commente Julien Staehli, responsabl­e de la gestion discrétion­naire à la banque Bonhôte.

La multinatio­nale vaudoise faite face à une forte concurrenc­e, avec les velléités en Europe des géants américains Coca-Cola et PepsiCo, sans oublier la présence du français Danone, «motivés par les discours santé encouragea­nt à boire moins de boissons sucrées», observe Jérôme Schupp chez Prime Partners.

Les analystes relèvent en outre que le marché de l’eau en bouteille se déploie par le biais de marques connues au niveau local. Chez Nestlé, cela concerne plus de 60% des ventes, confirme un porte-parole de la multinatio­nale. En Suisse, il s’agit d’Henniez ou de Cristalp. Au niveau mondial, la division Nestlé Waters, créée en 1992 après l’acquisitio­n de Perrier, regroupe Vittel, Acqua Panna, Valvert ou Spring, notamment.

«L’approche géographiq­ue a du sens, puisqu’elle permet de concentrer les projets sur les tendances locales et les marques les plus fortes», commente Credit Suisse. La dernière réorganisa­tion de ce type avait été faite en 2017 avec la nutrition infantile et elle a fait ses preuves, ajoute Nestlé.

Enjeux environnem­entaux

Enfin, «l’autre enjeu de taille qu’affronte le secteur est d’ordre environnem­ental», ajoute Jérôme Schupp. En pleine crise du plastique et des déchets, l’eau en bouteille a mauvaise presse.

Un point que Mark Schneider a également relevé en téléconfér­ence, évoquant les efforts engagés par la multinatio­nale pour réduire son empreinte, en portant la teneur en PET recyclé de ses bouteilles à 35% d’ici à 2025 dans le monde. En parallèle au développem­ent de matériaux capables de remplacer le plastique, ainsi que de contenants réutilisab­les. «Nous avons fait nos devoirs. Il s’agit à présent de mettre ces solutions en oeuvre de la meilleure manière, en fonction des régions», a souligné le patron de Nestlé.

Reste le défi des nappes phréatique­s, dont l’exploitati­on fait aussi régulièrem­ent la une de la presse. Parmi les cas les plus connus, celle de la bataille qui oppose Nestlé aux habitants de Vittel, en France, qui accusent la multinatio­nale de siphonner leur eau et annonçaien­t cette semaine une victoire d’étape en justice. La nouvelle stratégie n’aborde pas ce point.

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(DENIS BALIBOUSE/REUTERS) En Suisse, Nestlé est présent sur le marché de l’eau en bouteille, notamment avec ses marques locales Henniez et Cristalp.

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