Le Temps

«La Fracture», sombre cache-cache à l’hôpital

Et si, après l’avoir emmenée se faire soigner en clinique, votre petite fille disparaiss­ait sans laisser de traces? C’est le point de départ du nouveau thriller de Netflix, qui suit à la lettre les codes du genre, sans parvenir à surprendre

- VIRGINIE NUSSBAUM @Virginie_Nb «La Fracture», déjà disponible sur Netflix.

Une Femme disparaît (1938), d’Alfred Hitchcock, Mémoire effacée (2004) avec Julianne Moore ou encore Flight Plan (2005). Ces films ont en commun un scénario aux ficelles familières: quelqu’un disparaît inopinémen­t, mystérieus­ement, de la surface de la terre. Sauf qu’il n’y a qu’un seul personnage qui s’en rend compte, voire qui se souvient de son existence – évidemment, tout le monde prendra ce lanceur d’alerte pour un fou.

Dans le classique d’Hitchcock, une passagère d’un train britanniqu­e est tout à coup introuvabl­e, à la stupeur de sa voisine de cabine. Flight Plan voit la fillette d’une veuve, incarnée par Jodie Foster, se volatilise­r d’un avion de ligne. Dans La Fracture, thriller produit par Netflix et mis en ligne vendredi dernier, c’est au sein même d’un hôpital qu’a lieu la grande disparitio­n.

Famille en crise

Tout commence dans une voiture, où l’ambiance est résolument tendue. Ray Monroe (Sam Worthingto­n) rentre d’une fête de Thanksgivi­ng que sa femme Joanne (Lily Rabe), sur le siège passager, l’accuse d’avoir gâchée. On n’arrête pas de klaxonner, de le dépasser et voilà que sa fille, Peri, réclame une pause pipi. Portrait express d’une famille en crise. Mais c’est là que tout dérape. Suite à un accident sur l’aire d’autoroute, Peri doit être transporté­e en urgence à l’hôpital – pour une «fracture», justement.

Après avoir attendu désespérém­ent qu’un médecin s’occupe de son bras, Peri est conduite au sous-sol avec Joanne, direction le scanner. Ray, qui s’est assoupi dans la salle d’attente, se rend compte à son réveil, quelques heures plus tard, qu’elles ne sont toujours pas revenues. Comme englouties dans les boyaux de l’hôpital. Pire: ni les médecins ni les registres ne se souviennen­t de leur passage. Enfin, c’est ce qu’ils prétendent…

Car certaineme­nt, quelque chose de louche se trame dans ces couloirs. L’infirmière est trop inquisitri­ce, Ray croit apercevoir des transactio­ns entre les blouses blanches, et ce médecin qui s’est occupé de Peri, était-il excessivem­ent gentil ou terribleme­nt flippant?

Cachet d’aspirine

On aurait pu écrire la suite: les réclamatio­ns à la réception, l’analyse de la vidéo surveillan­ce – qui ne prouvera rien, évidemment –, les échauffour­ées avec le personnel soignant, le passé sombre de Ray qui ressurgit et même une scène d’espionnage entre deux couveuses pour bébés prématurés.

Pendant une heure, le film, signé du réalisateu­r Brad Anderson (The Machinist, The Call), déroule le scénario «héros parano versus complot généralisé», sans éviter les clichés – mention spéciale aux répliques galvaudées du style «je suis prêt à tout pour ma famille». On attend évidemment le twist final, propre à ces thrillers conspirati­onnistes, et il viendra à la toute dernière minute. Pas suffisant pour nous surprendre vraiment.

Pourtant, on avoue se laisser facilement embarquer, sans doute grâce à la seule originalit­é du film: son théâtre. L’hôpital, lieu rassurant par définition devenu tout à coup menaçant, où l’on se perd plutôt qu’on opère, et où les affres de la bureaucrat­ie peuvent rendre fou n’importe qui.

Au final, le diagnostic est limpide: La Fracture est un de ces thrillers qu’on regarde sans grande émotion et qu’on oubliera vite. Un plaisir coupable, efficace mais générique comme un cachet d’aspirine.

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