Sabrina Hartusch évoque l’influence du numérique dans le règlement des sinistres
Sabrina Hartusch, Global Head of Insurance chez Triumph International et présidente de l’Association suisse des Insurance et Risk Managers, évoque les relations avec les compagnies d’assurances, la qualité du service et les innovations
Les assureurs sont vos partenaires lorsqu’il s’agit de couvrir les risques de Triumph International. Etes-vous satisfaite des prestations proposées? Sabrina Hartusch:
Dans l’ensemble, je suis très satisfaite. Mais il existe encore un potentiel d’amélioration. Ce serait bien que l’on perçoive le même enthousiasme lors du règlement d’un sinistre que pour la conclusion d’une police d’assurance, entre autres. Avez-vous d’autres exemples concernant ce potentiel d’amélioration?
Le règlement des sinistres, principalement. Les outils des assureurs sont très axés sur l’administration, ils sont moins dynamiques sur toute la durée d’une police. Sur ce point, on pourrait améliorer le dialogue avec le preneur d’assurance en matière d’intelligibilité et de rapidité. Et coopérer. Au-delà du transfert de risque, il serait bon que les assureurs soient davantage attentifs à la réduction des risques. Il s’agit aussi d’accorder une attention accrue aux critères ESG (environnement, social, gouvernance). Et enfin il y aurait du progrès si le développement de nouveaux produits d’assurance n’était pas aussi lent que celui d’un nouveau médicament par la pharma. Pouvez-vous impliquer davantage le big data dans la prise de décision? C’est le souhait de tout risk manager. Mais, sur ce point, beaucoup d’entreprises demeurent très analogiques. Chez Triumph International, le big data et l’intelligence artificielle jouissent de la priorité dans les ventes, le marketing et la relation clients. Les assureurs essaient de se préparer de manière optimale à l’univers numérique par des investissements dans des projets maison et des start-up. Où voyez-vous des changements majeurs dans un proche avenir?
La tendance s’oriente clairement vers la détection précoce, la prévention du risque et la réduction des dommages. Les assureurs le font au-delà du pur transfert de risque pour rester compétitifs sur un marché en pleine mutation. Cela comprend aussi le déroulement numérique du processus de sinistres. Les assureurs proposent-ils assez de solutions individuelles ou, au fil de la numérisation, imposent-ils plus volontiers des produits standardisés? Il y a une certaine standardisation mais, dans les activités avec de grands clients, chaque produit a ses propres finesses. Il n’y a pas deux contrats identiques. La numérisation affinera encore l’éventail de l’offre et rendra le transfert de risque plus différencié. Cela consiste-t-il à détecter à temps les risques potentiels liés à la numérisation galopante et à les qualifier? Il s’agit de répertorier les effets des changements numériques au sein de l’entreprise et de les répartir correctement dans les programmes d’assurance. Cela nécessite un dialogue avec le département technique ou avec le marketing qui souhaite utiliser certains outils pour mieux repérer les attentes des clients. On se demande aussi si, du fait de la numérisation, il y aura moins d’accidents et que l’on pourra par conséquent adapter les assurances de personnes. Qu’en est-il des nouveaux risques, tels que les cyberattaques?
Cela fait déjà des années que le développement de produits progresse dans la cyberassurance. Aujourd’hui, nous avons affaire au meilleur de ce qui est faisable. En outre, certaines cybercouvertures ne sont pas explicitement exclues des polices actuelles. Mais il est vrai que pour le client, il est en général difficile de comprendre le cyberrisque au sein de sa propre entreprise. Les PME ont moins d’options pour leur protection d’assurance. Cherchentelles avant tout des solutions proposées par un seul prestataire?
Le besoin de couvertures d’assurance extrêmement diversifiées est souvent tel qu’un seul assureur ne pourrait pas y pourvoir. Par ailleurs, il y a clairement une logique pour une PME de gérer ses assurances avec compétence, car cela génère pour elle un avantage stratégique. La protection d’assurance d’un seul prestataire peut être bonne, mais pas forcément. Dans bien des cas, on souhaite en plus un partenaire spécialisé pour certains risques spécifiques à la branche ou à l’entreprise. L’assurance RC et l’assurance choses forment un bloc de coûts important. Y a-t-il une pression sur les primes sur ce marché disputé?
On a observé une telle tendance par le passé. Les grands assureurs semblent appeler de leurs voeux un market change dans la RC et les choses, ce qui ne s’est pas encore produit en Suisse. Aux Etats-Unis, on constate cette année un certain nivellement des primes. Chez nous, la situation ne plaide pas en faveur d’un rapide retournement de tendance parce que la protection d’assurance est disponible en abondance. Dans ces secteurs, les coûts restent bas mais il faut s’attendre dans la structuration des primes à une différenciation accrue entre les bons risques, qui sont très disputés au niveau des prix, et les mauvais. A votre avis, comment l’évolution technologique influence-t-elle l’industrie, en particulier la relation avec l’assureur et le courtier?
Le courtier est à la fois le prolongement et le porte-parole du client. Les entreprises, en s’adaptant à de nouveaux besoins, souhaitent bénéficier du know-how du courtier et s’attendent à ce qu’il pousse les assureurs à innover. Jusqu’à présent, les développements techniques ont été très présents dans l’administration et la gestion. Par exemple, les plateformes en ligne pour les appels d’offres, qui sont de plus en plus utilisées. Mais je considère cela d’un oeil critique. Dans les activités standard comme l’assurance accidents obligatoire, ça va. Pour des appels d’offres plus sophistiqués, en revanche, ça se complique. Dans tous les cas, nous n’en sommes qu’au commencement.
«Cela fait déjà des années que le développement de produits progresse dans la cyberassurance. Aujourd’hui, nous avons affaire au meilleur de ce qui est faisable»