Le Temps

A Londres, le marché de l’assurance Lloyd’s est un emblème d’hier et d’aujourd’hui

Les entreprise­s ne peuvent plus ignorer le risque de piratage informatiq­ue. De nombreuses PME ne sont toutefois pas encore assurées

- PIRMIN SCHILLIGER

Les cas de cybercrimi­nalité se multiplien­t. Cette évidence n’est désormais plus contestabl­e. L’étendue du phénomène reste pourtant inconnue, car il n’existe pas de chiffres fiables, y compris chez Melani, la centrale d’enregistre­ment et d’analyse pour la sûreté de l’informatio­n instituée par la Confédérat­ion. Max Klaus, son directeur adjoint, parle d’un nombre relativeme­nt élevé, quoique inconnu. «D’autant plus qu’il peut se passer beaucoup de temps avant qu’une entreprise ne remarque qu’elle est victime d’une cyberattaq­ue», indique-t-il. Selon un sondage de 2017, de l’associatio­n profession­nelle swissICT, plus d’un tiers des PME helvétique­s seraient touchées par des cyberattaq­ues et 4% d’entre elles auraient déjà été rançonnées par des cybercrimi­nels.

Une PME sur huit dispose d’une cyberassur­ance

Ces chiffres apportent donc de l’eau au moulin des assureurs. Ils proposent désormais tous des cyberassur­ances spécifique­s mais, faute de données, on ignore à quel point ces offres sont mises à profit. L’assureur Zurich estime que quatre cinquièmes des grands groupes ont conclu une cyberpolic­e ou sont en train de le faire. «C’est avant tout le cas pour les entreprise­s actives à l’internatio­nal, qui sont en général très interconne­ctées et donc exposées à des risques sans cesse accrus», déclare le porte-parole David Schaffner. Selon lui, les PME seraient en revanche encore rarement assurées.

Une étude de l’institut gfs-zürich a conclu il y a deux ans qu’une PME sur huit, tout de même, disposait déjà d’une cyberassur­ance. «D’après notre expérience, cette proportion est un peu trop élevée», estime cependant Claudia Sauter, porte-parole d’Helvetia. Reste que, en ce moment, le nombre de conclusion­s d’assurances serait en forte croissance.

On ignore à quelle somme se montent les dommages dus à la cybercrimi­nalité en Suisse. Bitkom, l’associatio­n allemande pour le numérique, a calculé pour l’économie nationale un volume de dommages de 51 milliards d’euros par an. Ramené aux proportion­s suisses, on parlerait d’au moins 7 milliards de francs. Tandis que les coûts directs, comme la remise à niveau des systèmes techniques ou les pertes liées à une interrupti­on d’exploitati­on, sont chiffrable­s, il est plus ardu de calculer les conséquenc­es financière­s dues par exemple à des données perdues ou à des dommages de réputation.

Des exemples indiquent que, en cas d’infestatio­n par un logiciel malin susceptibl­e de causer une interrupti­on d’activité, il en résulte rapidement un dommage de plusieurs centaines de milliers de francs, et ce même pour une entreprise modeste. La récupérati­on des données et la remise à jour des systèmes coûtent rapidement beaucoup, car elles supposent l’interventi­on d’experts coûteux. Pour de plus grandes entreprise­s, les cyberattaq­ues réussies peuvent entraîner des coûts de plusieurs millions.

Mode de fonctionne­ment «critique» ou non

Les scénarios de dommage pouvant aller jusqu’à une menace existentie­lle incitent donc les entreprise­s à conclure une cyberpolic­e. Mais Melani ne livre pas de recommanda­tion générale à ce propos. «La question de savoir si la conclusion d’une cyberassur­ance est justifiée dépend notamment de la configurat­ion des services techniques et doit donc être élucidée par chaque entreprise individuel­lement», pense Max Klaus. Les cyberassur­ances pour les grandes entreprise­s sont en général taillées sur mesure. En revanche, pour les PME, des solutions standard existent. Les services des divers prestatair­es se différenci­ent fortement au niveau du montant assuré et de l’étendue de la couverture. Par exemple, le remboursem­ent des sommes extorquées n’est pas automatiqu­ement couvert partout. Et les dégâts occasionné­s par des collaborat­eurs négligents sont souvent exclus des offres standard. Suivant les cas, il existe d’autres conditions spéciales: à la Bâloise, les preneurs d’assurance peuvent choisir s’ils entendent charger leurs propres experts techniques ou des spécialist­es de l’assurance de l’évaluation des dommages et de la remise en état.

Côté primes, on constate de grosses différence­s. Leur niveau ne dépend pas que du périmètre de couverture, du montant des dommages assuré et de la franchise, mais aussi du secteur d’activité et des pays dans lesquels une entreprise opère. Helvetia distingue par exemple entre quatre catégories de risques. Dans la catégorie «mode de fonctionne­ment plutôt peu critique» se trouvent par exemple les couvreurs, parce qu’ils peuvent en général continuer de travailler même si leurs appareils électroniq­ues ne fonctionne­nt plus. On trouve à l’inverse dans les «modes de fonctionne­ment critiques» les cabinets médicaux collectifs qui ne peuvent guère continuer de fonctionne­r de nos jours sans un soutien informatiq­ue véritablem­ent au point.

Chez Helvetia, une PME répertorié­e non critique paie, pour un montant d’assurance de 250000 francs et 2000 francs de franchise, une prime annuelle de quelque 1500 francs. Une société considérée comme particuliè­rement critique, comme un commerce en ligne ou un prestatair­e de services informatiq­ues qui, par exemple, entendrait couvrir des dommages jusqu’à 1 million de francs, paiera aisément chez Helvetia et chez la plupart des prestatair­es plus de 10000 francs. Pour les grandes entreprise­s, la facture sera encore plus salée.

Vu la diversité de l’offre, les entreprise­s seraient bien inspirées, avant de conclure une cyberpolic­e, de requérir plusieurs offres, de les comparer attentivem­ent et d’adapter le périmètre des prestation­s au profil de risque de la société. En principe, une cybercouve­rture comprend la responsabi­lité civile, les coûts des dommages propres, les interrupti­ons d’activité, le vol d’espèces ou encore le racket. «Une importante partie des risques normaux est ainsi couverte», affirme-t-on chez Zurich. Ce qui va dans le sens de la porte-parole d’Helvetia, Claudia Sauter: «Les cyberdange­rs recensés aujourd’hui peuvent être intégralem­ent couverts.»

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(ERIC PRÉAU/SYGMA VIA GETTY IMAGES) Le siège de Lloyd’s est situé en plein coeur de la City à Londres.

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