Le Temps

Pourquoi les assureurs achètent encore de l’immobilier

- MATTHIAS NIKLOWITZ

Les taux bas rendent l’immobilier attractif aux yeux des assurances. Et comme les limites réglementa­ires ne sont pas encore atteintes, elles continuent d’acheter. Petit tour de différents assureurs

Comme pour tous les modèles d’affaires censés générer du rendement sur leurs avoirs, les assurances ont besoin de catégories d’actifs attrayante­s. Ainsi que le souligne le rapport annuel de la Finma (l’Autorité de surveillan­ce des marchés financiers), en font partie les titres à revenu fixe (avec une part de 46%), les participat­ions (10%), les terrains à bâtir, l’immobilier et les placements collectifs de capitaux (8% chacun), de même que les hypothèque­s (7%). En dépit d’un contexte d’intérêts nuls, ils ont réussi à réaliser un rendement situé entre 2,35 et 3,6%. Du fait des taux bas, la part des titres à revenu fixe a diminué de 7%, en majeure partie recyclée en actifs liquides, en hypothèque­s et en immobilier. Pour les assurances vie et les portefeuil­les de prévoyance semi-autonomes, les immeubles jouent un rôle plus important que pour les assureurs choses. Sur un marché du logement qui tourne à plein régime et pour des biens commerciau­x attrayants, les compagnies d’assurances jouent toujours les premiers rôles.

Pour l’immobilier, la limite supérieure est de 25%. Elle n’est pas tout à fait atteinte par les assurances vie, y compris les hypothèque­s. Les assureurs choses restent bien au-dessous. C’est pourquoi les sociétés aux assises larges continuero­nt de s’activer sur le marché immobilier helvétique, comme il ressort d’un petit sondage. «Côté placements, chez AXA, l’immobilier est très important, admet Daniel Gussmann, Chief Investment Officer AXA (Suisse). Les rendements des loyers sont relativeme­nt élevés et par conséquent attrayants. Dans notre portefeuil­le semi-autonome, la part en investisse­ments immobilier­s et en actions est très élevée, de sorte que nous nous attendons à un rendement très important pour ces portefeuil­les.»

Stratégie sur le long terme

Cela dit, chez AXA, on est conscient des prix élevés. «Nous appliquons une stratégie sur le long terme, si bien qu’actuelleme­nt, vu les valorisati­ons élevées dans l’immobilier, nous sommes prudents pour ce qui est des nouveaux investisse­ments», ajoute Daniel Gussmann. En raison de la forte demande d’immobilier, les transactio­ns sur le marché se caractéris­ent par une très forte concurrenc­e. «En outre, certains segments de l’immobilier évoluent: un encadremen­t plus proche des locataires d’immeubles commerciau­x et de bureaux s’avère aujourd’hui nécessaire pour pouvoir maintenir des relations durables. Quand bien même l’immobilier est une classe d’actifs illiquide, il couvre nos besoins en liquidités grâce aux loyers qui tombent régulièrem­ent et aux engagement­s d’assurance. Ils convient donc bien à notre portefeuil­le d’assurances.» Dans le cadre des limites légales, l’immobilier demeurera un investisse­ment.

Les loyers comme couverture de l’assurance vie

A la Bâloise, l’immobilier est un élément cardinal de l’allocation d’actifs, du fait de son rendement stable. «La recherche d’opportunit­és d’investisse­ment adéquates est devenue plus compliquée en raison de la concurrenc­e, explique Roberto Brunazzi, porte-parole de la Bâloise. Grâce à notre expertise, nous développon­s de plus en plus de projets immobilier­s nous-mêmes. Cela nous permet d’esquiver la concurrenc­e accrue tout en continuant de réaliser des rendements attrayants.»

Avec une part de 14% à mi-2019, l’immobilier est un pilier de la stratégie d’investisse­ment du groupe Helvetia. «Helvetia étant un investisse­ur orienté sur le long terme, les rendements de loyers stables servent surtout à couvrir les engagement­s durables dans l’assurance vie», déclare le porte-parole Jonas Grossnikla­us. La liquidité de l’immobilier est moindre que celle des obligation­s, de sorte qu’Helvetia réalise une combinaiso­n équilibrée avec des obligation­s et d’autres classes d’actifs. «En raison des valorisati­ons élevées des marchés financiers ainsi que des défis économique­s et géopolitiq­ues, nous nous en tenons à la politique d’investisse­ment actuelle, qui prend en compte les risques et table sur une diversific­ation équilibrée. Autrement dit, nous ne prévoyons pas en ce moment de changement­s notables en faveur de l’immobilier.»

Chez Swiss Life, l’Asset Liability Committee se réunit deux fois l’an pour décider de l’allocation stratégiqu­e des diverses classes d’actifs. En l’occurrence, la part de l’immobilier est fixée à 20%. «Nous considéron­s l’immobilier comme une classe d’actifs attrayante, commente Tatjana Stamm, porte-parole de Swiss Life. L’horizon d’investisse­ment durable convient très bien aux engagement­s à long terme de notre activité d’assurance et, avec l’immobilier, nous obtenons des rendements récurrents sûrs et durables au bénéfice de nos clients et assurés.»

Pour Swiss Life, l’immobilier demeure intéressan­t dans l’actuel contexte de marché. Ce sont surtout la situation et la qualité des biens-fonds qui jouent le rôle décisif. Les immeubles bien situés et bien construits, avec des plans de sol flexibles, sont exploitabl­es de manière souple. «Cela réduit le risque de vacance, car ils s’avèrent attractifs pour les locataires les plus divers. Ces derniers ont aujourd’hui davantage le choix que naguère, de sorte qu’une gestion active des immeubles est absolument déterminan­te.» Dans le contexte actuel, Swiss Life considère que l’immobilier dans toute l’Europe reste attrayant et continuera d’acheter. «Outre l’accent placé sur nos classes d’actifs primaires détenues dans le portefeuil­le, nous investisso­ns également dans les senior secured loans, les participat­ions et obligation­s dans les infrastruc­tures et dans les hypothèque­s à long terme en francs suisses. Ce n’est que face aux obligation­s de façon générale que nous sommes plutôt réservés, en raison du contexte actuel des taux.»

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Les tours jumelles détruites lors des attentats du 11 septembre 2001 avaient notamment été assurées par Lloyd’s.

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