Pourquoi les assureurs achètent encore de l’immobilier
Les taux bas rendent l’immobilier attractif aux yeux des assurances. Et comme les limites réglementaires ne sont pas encore atteintes, elles continuent d’acheter. Petit tour de différents assureurs
Comme pour tous les modèles d’affaires censés générer du rendement sur leurs avoirs, les assurances ont besoin de catégories d’actifs attrayantes. Ainsi que le souligne le rapport annuel de la Finma (l’Autorité de surveillance des marchés financiers), en font partie les titres à revenu fixe (avec une part de 46%), les participations (10%), les terrains à bâtir, l’immobilier et les placements collectifs de capitaux (8% chacun), de même que les hypothèques (7%). En dépit d’un contexte d’intérêts nuls, ils ont réussi à réaliser un rendement situé entre 2,35 et 3,6%. Du fait des taux bas, la part des titres à revenu fixe a diminué de 7%, en majeure partie recyclée en actifs liquides, en hypothèques et en immobilier. Pour les assurances vie et les portefeuilles de prévoyance semi-autonomes, les immeubles jouent un rôle plus important que pour les assureurs choses. Sur un marché du logement qui tourne à plein régime et pour des biens commerciaux attrayants, les compagnies d’assurances jouent toujours les premiers rôles.
Pour l’immobilier, la limite supérieure est de 25%. Elle n’est pas tout à fait atteinte par les assurances vie, y compris les hypothèques. Les assureurs choses restent bien au-dessous. C’est pourquoi les sociétés aux assises larges continueront de s’activer sur le marché immobilier helvétique, comme il ressort d’un petit sondage. «Côté placements, chez AXA, l’immobilier est très important, admet Daniel Gussmann, Chief Investment Officer AXA (Suisse). Les rendements des loyers sont relativement élevés et par conséquent attrayants. Dans notre portefeuille semi-autonome, la part en investissements immobiliers et en actions est très élevée, de sorte que nous nous attendons à un rendement très important pour ces portefeuilles.»
Stratégie sur le long terme
Cela dit, chez AXA, on est conscient des prix élevés. «Nous appliquons une stratégie sur le long terme, si bien qu’actuellement, vu les valorisations élevées dans l’immobilier, nous sommes prudents pour ce qui est des nouveaux investissements», ajoute Daniel Gussmann. En raison de la forte demande d’immobilier, les transactions sur le marché se caractérisent par une très forte concurrence. «En outre, certains segments de l’immobilier évoluent: un encadrement plus proche des locataires d’immeubles commerciaux et de bureaux s’avère aujourd’hui nécessaire pour pouvoir maintenir des relations durables. Quand bien même l’immobilier est une classe d’actifs illiquide, il couvre nos besoins en liquidités grâce aux loyers qui tombent régulièrement et aux engagements d’assurance. Ils convient donc bien à notre portefeuille d’assurances.» Dans le cadre des limites légales, l’immobilier demeurera un investissement.
Les loyers comme couverture de l’assurance vie
A la Bâloise, l’immobilier est un élément cardinal de l’allocation d’actifs, du fait de son rendement stable. «La recherche d’opportunités d’investissement adéquates est devenue plus compliquée en raison de la concurrence, explique Roberto Brunazzi, porte-parole de la Bâloise. Grâce à notre expertise, nous développons de plus en plus de projets immobiliers nous-mêmes. Cela nous permet d’esquiver la concurrence accrue tout en continuant de réaliser des rendements attrayants.»
Avec une part de 14% à mi-2019, l’immobilier est un pilier de la stratégie d’investissement du groupe Helvetia. «Helvetia étant un investisseur orienté sur le long terme, les rendements de loyers stables servent surtout à couvrir les engagements durables dans l’assurance vie», déclare le porte-parole Jonas Grossniklaus. La liquidité de l’immobilier est moindre que celle des obligations, de sorte qu’Helvetia réalise une combinaison équilibrée avec des obligations et d’autres classes d’actifs. «En raison des valorisations élevées des marchés financiers ainsi que des défis économiques et géopolitiques, nous nous en tenons à la politique d’investissement actuelle, qui prend en compte les risques et table sur une diversification équilibrée. Autrement dit, nous ne prévoyons pas en ce moment de changements notables en faveur de l’immobilier.»
Chez Swiss Life, l’Asset Liability Committee se réunit deux fois l’an pour décider de l’allocation stratégique des diverses classes d’actifs. En l’occurrence, la part de l’immobilier est fixée à 20%. «Nous considérons l’immobilier comme une classe d’actifs attrayante, commente Tatjana Stamm, porte-parole de Swiss Life. L’horizon d’investissement durable convient très bien aux engagements à long terme de notre activité d’assurance et, avec l’immobilier, nous obtenons des rendements récurrents sûrs et durables au bénéfice de nos clients et assurés.»
Pour Swiss Life, l’immobilier demeure intéressant dans l’actuel contexte de marché. Ce sont surtout la situation et la qualité des biens-fonds qui jouent le rôle décisif. Les immeubles bien situés et bien construits, avec des plans de sol flexibles, sont exploitables de manière souple. «Cela réduit le risque de vacance, car ils s’avèrent attractifs pour les locataires les plus divers. Ces derniers ont aujourd’hui davantage le choix que naguère, de sorte qu’une gestion active des immeubles est absolument déterminante.» Dans le contexte actuel, Swiss Life considère que l’immobilier dans toute l’Europe reste attrayant et continuera d’acheter. «Outre l’accent placé sur nos classes d’actifs primaires détenues dans le portefeuille, nous investissons également dans les senior secured loans, les participations et obligations dans les infrastructures et dans les hypothèques à long terme en francs suisses. Ce n’est que face aux obligations de façon générale que nous sommes plutôt réservés, en raison du contexte actuel des taux.»
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