Le Temps

Roger Federer en son fief, la passe de dix aux Swiss Indoors de Bâle

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Chez lui, le Bâlois remporte pour la dixième fois les Swiss Indoors en dominant De Minaur 6-2 6-2 en finale. A 38 ans, Roger Federer se bonifie en tendant vers l’épure

C’est désormais un scénario bien huilé. A Bâle, fin octobre, le public réserve ses places aux Swiss Indoors pour admirer Roger Federer, si possible le dimanche pour la finale. Les études marketing des organisate­urs du tournoi indiquent que l’on vient de toute la Suisse pour «au moins une fois» voir le champion en vrai. Malgré cela, Federer a expliqué cette semaine que lorsqu’il levait un peu les yeux, il reconnaiss­ait toujours dans les dix premiers rangs des têtes connues, des sourires familiers, des visages du passé.

Ici plus qu’ailleurs, il ne veut pas décevoir. Et déçoit rarement. En dix-huit participat­ions, le régional de l’épate était allé quatorze fois en finale avant cette édition. Alors dimanche, pour sa dix-neuvième présence (il faudrait en ajouter trois comme ramasseur de balles), sa quinzième finale, la douzième de suite si l’on excepte 2016 où il était blessé, Roger Federer a remporté une vingt-quatrième victoire consécutiv­e en battant l’espoir australien Alex De Minaur (20 ans, 28e joueur mondial) 6-2 6-2, au terme d’une finale à sens unique, expédiée en une heure et huit minutes.

Perdre, et se relever

C’est le seul moment où Federer déçoit à Bâle: ses matchs sont trop courts, 52 minutes lundi soir au premier tour contre l’Allemand Peter Gojowczyk (6-2 6-1), 62 minutes mercredi contre le Roumain Radu Albot (6-0 6-3), zéro minute vendredi en quart de finale puisque Stan Wawrinka déclara forfait après sa victoire sur Frances

Tiafoe (le meilleur match du tournoi) et 78 minutes en demi-finale samedi contre le Grec Stefanos Tsitsipas (6-4 6-4).

Sous une pluie de confettis dorés, Roger Federer a soulevé la coupe pour la dixième fois de sa carrière, une performanc­e qu’il n’a réalisée qu’au tournoi sur herbe de Halle, et qui justifia aux yeux des organisate­urs de lui remettre un trophée commémorat­if. D’abord à l’aise micro en main, il termina son discours les larmes aux yeux. Avec l’âge, Federer devient de plus en plus émotif. Il n’en est pas moins performant. Cette victoire est la quatrième de la saison, après Dubaï, Miami et Halle, et la 103e au total (le record de Connors à 109 titres se rapproche gentiment). Bien sûr, personne n’oubliera le plus grand moment de son année, cette défaite en finale de Wimbledon contre Novak Djokovic, après avoir servi deux balles de match. Il semble avoir surmonté cette déception.

Dans une interview accordée en début de tournoi à La Nacion de Buenos Aires, Roger Federer fut invité à se trouver des points communs avec Mohamed Ali et Michael Jordan. Après avoir un peu tâtonné («Je dirais: la confiance, la persévéran­ce»), il fit cette réponse éclairante: «Nous avons tous beaucoup perdu. Des défaites qui font mal. Mais on se relève, on revient et on se bat pour gagner à nouveau. La finale de Wimbledon, je peux la prendre sur le mode tragique, ou me dire que c’était un match spectacula­ire. Donc, la façon de réagir, de s’en sortir, d’aller de l’avant, c’est cela je pense qui distingue le champion.»

«Encore cinq ans, facile!»

A Bâle aussi, Roger Federer a commencé par beaucoup perdre avant de gagner. Lors de sa première participat­ion en 1998, il prit la leçon face à Andre Agassi. Alex De Minaur n’était pas encore né.

Vingt et un an plus tard, le Bâlois est toujours là. A 38 ans, l’automne du patriarche s’étire comme s’il ne devait jamais y avoir d’hiver. Sur la semaine, il n’a passé que 4h20 sur le court, n’a remporté que des victoires en deux sets, n’a perdu que dix-huit jeux, un seul sur son service. Sur l’année, son taux de victoire est de 86% (51-8), au niveau de ses meilleures saisons. Il lui manque un titre en Grand Chelem, mais il est toujours là, à nouveau troisième à la Race (il repasse devant Daniil Medvedev), plus fort que jamais avec un style épuré, un jeu de jambes ultra-efficace et une fraîcheur intacte. «Quand on le voit comme ça, surtout en indoors, il peut jouer encore cinq ans facile», pronostiqu­e Marc Rosset.

Dimanche soir, les organisate­urs du Masters 1000 de Bercy attendaien­t qu’il confirme sa présence mardi à Paris. Plus tôt dans la semaine, il a annoncé qu’il serait à Roland-Garros, aux JO de Tokyo, et bien sûr à Bâle.

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