Le Temps

Al-Baghdadi, la mort du calife de Daech

Donald Trump accroche désormais un trophée à son bilan politique contesté: la mort du chef de l’Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, traqué depuis des années. L’organisati­on terroriste n’est pas pour autant terrassée

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

SYRIE L’annonce, ce dimanche, de la liquidatio­n du chef de l’Etat islamique représente une grande victoire pour le président Trump après le retrait des troupes américaine­s

■ La guerre contre le califat autoprocla­mé n’est toutefois pas terminée, mais le coup d’éclat arrive au meilleur moment pour le locataire de la Maison-Blanche, lui qui est menacé d’impeachmen­t

■ Mais la disparitio­n du leader de l’EI ne va pas forcément de pair avec celle d’une organisati­on qui a encore le vent en poupe

■ Selon un expert, Al-Baghdadi représenta­it une figure symbolique trop importante pour ne pas déjà avoir un successeur

«Il est mort comme un chien.» En annonçant dimanche l'éliminatio­n d'Abou Bakr al-Baghdadi, Donald Trump a insisté sur le fait qu'il était «mort comme un lâche», «poursuivi dans un tunnel par nos chiens», en actionnant son gilet d'explosifs, emportant trois de ses enfants avec lui dans un acte ultime de désespoir. Donald Trump n'a pas lésiné sur les qualificat­ifs pour humilier le chef de l'Etat islamique (EI). Dans son récit de l'opération commando américaine, livré lors d'une rare allocution télévisée, il le décrit comme «gémissant, pleurant et criant». Il veut en donner l'image d'un geignard, fuyant et terrifié.

«Ses actes maléfiques de décapitati­on, d’asservisse­ment des femmes, de viols, de torture et de pure brutalité le suivent jusqu’à sa tombe» MIKE POMPEO, SECRÉTAIRE D'ÉTAT

Pour le président américain, cette mort représente une grande victoire. Dès ses premiers jours au pouvoir, il s'était donné pour objectif de «terrasser l'EI», annonçant même plusieurs fois prématurém­ent la mort de l'organisati­on. Abou Bakr al-Baghdadi avait aussi déjà été donné pour mort. Mais cette fois, les restes de l'homme qui s'est explosé dans un tunnel sans issue auraient parlé. Donald Trump s'est basé sur de premiers tests ADN, sans attendre les résultats définitifs, trop pressé d'annoncer la nouvelle. C'est notamment l'arrestatio­n d'une femme du chef terroriste qui a permis à la CIA de le localiser dans une région pourtant hostile à l'EI, précise le New York Times.

Une victoire à point nommé

Cyniquemen­t dit, la mort du terroriste intervient au meilleur moment pour Donald Trump. Le président est menacé par une procédure d'impeachmen­t pour avoir fait pression sur son homologue ukrainien à propos de son rival démocrate Joe Biden, et le climat politique à Washington est devenu pesant. L'annonce du retrait des troupes américaine­s de Syrie a par ailleurs été très critiquée, y compris dans les rangs républicai­ns. Cette opération américaine dans la région d'Idlid, dans le nord-ouest de la Syrie, après des années de traque, arrive donc à point nommé. Donald Trump est désormais en mesure de brandir un trophée, celui d'avoir réussi à éliminer l'ennemi public numéro 1, responsabl­e de nombreux attentats sanglants.

«La nuit dernière, les Etats-Unis ont fait payer le prix de la justice au principal leader terroriste du monde. Bakr al-Baghdadi est mort.» C'est en articulant très distinctem­ent ces mots que Donald Trump a entamé son allocution, avant de donner le récit détaillé du raid. Le dirigeant de l'EI, autoprocla­mé chef du califat en 2014, s'était réfugié dans un tunnel alors que la maison du village de Baricha dans laquelle il se terrait était assiégée, d'abord par des tirs provenant de huit hélicoptèr­es puis par les hommes déployés au sol. Aucun Américain n'est mort dans l'opération. «C'était comme regarder un film.» Donald Trump a visionné l'opération en direct, depuis la Situation Room, cette même salle depuis laquelle Barack Obama et sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, avaient assisté à l'éliminatio­n d'Oussama ben Laden.

«Il reste encore du travail à faire»

L'opération s'est déroulée alors même que Donald Trump avait annoncé, au début d'octobre, le retrait des troupes américaine­s du nord de la Syrie, permettant aux forces turques de lancer une vaste offensive contre les Kurdes, alliés des Occidentau­x dans la lutte contre l'EI. Dimanche, le président américain a remercié «la Russie, la Turquie, la Syrie, l'Irak et les Kurdes de Syrie». La guerre contre l'EI n'est toutefois pas terminée. La mort d'Oussama ben Laden n'a pas signifié pour autant la fin d'Al-Qaida.

Donald Trump va exploiter au maximum sa victoire, mais le chef de la diplomatie, Mike Pompeo, est bien conscient qu'il «reste encore du travail à faire pour assurer la défaite durable de l'EI». «La mort de d'Al-Baghdadi suit la voie de dizaines d'autres dirigeants de l'EI […] qui ne peuvent plus commettre d'atrocités odieuses ou répandre leur vile idéologie de haine pour empoisonne­r et recruter des esprits vulnérable­s. Ses actes maléfiques de décapitati­on, d'asservisse­ment des femmes, de viols, de torture et de pure brutalité le suivent jusqu'à sa tombe», a commenté le secrétaire d'Etat américain.

En rappelant que le «califat» de l'EI a été défait en avril, Mike Pompeo soulève que la disparitio­n d'Al-Baghdadi est «une preuve supplément­aire pour tous que les Etats-Unis ne s'arrêteront pas dans leur quête pour traduire le mal en justice et tenir leur promesse de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer la sécurité des Etats-Unis et mettre ce fléau à genoux». «Le combat continue»: c'est bien sur ce mode que plusieurs dirigeants européens ont réagi dimanche. ▅

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(IMAGE EXTRAITE D’UNE VIDÉO POSTÉE EN AVRIL 2019/AL-FURQAN MEDIA VIA AP)
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(OMAR HAJ KADOUR/AFP) Dégâts collatérau­x sur un bus situé près de l'endroit où le dirigeant de Daech a été liquidé.

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