Etre au lieu d’avoir
De retour d’Amazonie, au coeur de la forêt, mon âme reste profondément touchée par le peuple Puyanawa dans son essence. Durant ces quelques jours de partage avec ce peuple premier, j’ai réalisé le rêve profond qui m’animait depuis l’enfance: découvrir sur cette Terre une société vivant dans l’amour inconditionnel.
En Europe, ces mots paraissent un peu éthérés. C’est presque un sujet tabou, évoquant les illusions d’une jeune fille romantique. Et pourtant, je suis convaincue que c’est ce que la majeure partie d’entre nous appelle intérieurement, […] à travers une expérience réelle et quotidienne.
Depuis quelques années, j’ai compris que nous devons nous guérir collectivement de ce besoin d’«avoir» pour «être». C’est là la question clé en ce début de XXIe siècle. Car vivre dans le besoin d’avoir, de posséder, engendre en nous manque, peur, insécurité, compétition, séparation, renforcement de l’ego et attachement au paraître. A l’inverse, «être» sans projection ni identification nous apporte amour, bienveillance, joie, légèreté, abondance, partage, collaboration, dissolution de l’ego et sentiment de ne faire qu’un avec l’univers.
[…] L’amour inconditionnel au sein d’une collectivité, c’est une force extraordinaire d’harmonie qui permet le développement de chacun. […] Il faut cependant savoir que chez eux, ces clés se mettent en place dans une dimension énergétique bien plus vibrante que la nôtre, qui se caractérise ici encore beaucoup par le flux de paroles. […] Tant le silence que la parole ou les chants possèdent des dimensions […] puissantes.
Je me permets néanmoins de poser un cadre mental et intellectuel sur ces perceptions, pour tenter de traduire ces clés qui me paraissent intéressantes à intégrer aujourd’hui à nos outils et à notre langage, dans toute entreprise ou organisation. En effet, je suis convaincue que si différentes vibrations énergétiques sont proposées dans une communauté et qu’elles répondent aux besoins essentiels de l’humain, toute organisation collective deviendra automatiquement unie, et plus riche de la diversité de chacun.
Voici les quelques outils que j’ai perçus:
– L’importance des temps de jeu. Le jeu permet de dédramatiser, de sortir des noeuds du mental et de retrouver notre simplicité et la joie d’être ensemble. Les Puyanawa sont le peuple de l’eau et des grenouilles. A chaque fois qu’une petite tension ou qu’une maladresse a lieu, les femmes expriment les «ouhp» de la grenouille et les hommes répondent par des «croaa». Le rire est garanti et l’énergie est immédiatement à nouveau légère.
– L’importance d’avoir des temps où chacun peut exprimer sa dignité. Dire ce que l’on vit et ressent, cela permet à chacun d’être reconnu et entendu, et d’être digne.
– L’importance de ressentir collectivement le sacré, […]. Il s’agit d’une manière de ressentir la vie, par exemple à travers la beauté. Cela nous nourrit intérieurement à travers l’émerveillement et la profondeur et nous relie à l’essentiel.
– L’importance de redonner à la créativité des espaces de connexion et d’intuition pures. C’est ainsi que nous pouvons créer le nouveau, et non pas à travers des amalgames de pensées synthétisées comme nous en avons l’habitude. Une pure idée ou création nouvelle demande de nous connecter à la part énergétique la plus haute possible. [Auparavant], nous disions que nous étions visités par des muses ou des dieux. Aujourd’hui, nous utilisons l’expression «j’ai une idée».
– L’importance des temps consacrés à accueillir la transformation. Nous pouvons le faire en accueillant les peurs par des sourires et des rires, sans entrer dans le mental. Toutes les transformations et les guérisons vibrent en résonance en nous. En les accueillant et en leur donnant un espace collectif, nous restons unis. Et nous restons en lien confiant avec la vie, qui est par définition, mouvement et changement. […] ▅