Le Temps

Un modèle portugais pour la Suisse?

- AGNES RIVAS CONSEIL EN STRATÉGIE PENSION FUNDS & CORPORATE INVESTORS, CREDIT SUISSE

La natalité est très faible, l’espérance de vie en augmentati­on: il n’y a plus que certains nostalgiqu­es des lendemains qui chantent à ne pas admettre qu’il va falloir relever l’âge de la retraite pour améliorer le financemen­t de la prévoyance vieillesse.●●●

Malgré les changement­s, les institutio­ns pourront continuer à investir une part substantie­lle de leur fortune dans les actions, l’immobilier et les placements alternatif­s

Depuis l’introducti­on de la prévoyance profession­nelle, la proportion de la population ayant l’âge de la retraite ou s’en approchant a nettement augmenté. Cette évolution, qui modifie le rapport entre les bénéficiai­res de rentes et les assurés actifs, constitue un défi pour les caisses de pension. En effet, l’élévation de la part des retraités affecte à plus d’un titre la capacité de ces dernières à assumer les risques de placement. Or, face à la persistanc­e des taux bas, la prise de risques est incontourn­able pour dégager les rendements nécessaire­s à long terme.

Ces dernières années, les caisses de pension ont progressiv­ement réduit la pondératio­n des valeurs nominales dans leur allocation d’actifs au profit de catégories de placement aux rendements supérieurs telles que les actions, l’immobilier ou encore les instrument­s alternatif­s. Et cette stratégie a porté des fruits en 2019. Soutenu par la forte contributi­on des actions au rendement, l’indice des caisses de pension du Credit Suisse a enregistré une progressio­n réjouissan­te de plus de 9% au cours des trois premiers trimestres de l’année. Les placements dans les actifs réels, surtout les actions, dégagent des rendements supérieurs à ceux des investisse­ments en valeurs nominales à long terme également. Néanmoins, l’augmentati­on de leur pondératio­n implique une capacité correspond­ante à assumer des risques. Or, l’évolution démographi­que exercera à l’avenir une pression dans le sens opposé, car elle abaisse cette capacité.

L’horizon de placement se réduit

La répartitio­n de la réserve mathématiq­ue a un impact considérab­le sur l’horizon de placement. En raison du vieillisse­ment de la population, la part de cette réserve dévolue aux bénéficiai­res de rentes passe de 45% en 2015 à 57% en 2045 (voir graphique). La durée de placement restante de ces capitaux étant plus courte, il est nécessaire d’adopter une stratégie d’investisse­ment plutôt défensive. Si les caisses de pension placent dans des valeurs nominales les avoirs des personnes de 65 à 74 ans à hauteur de 50% et ceux des retraités de plus de 75 ans à hauteur de 100%, la quote-part de ces valeurs devra s’élever à 46% en 2045. Par conséquent, il leur sera encore possible d’investir 54% environ de la fortune dans des valeurs réelles aux rendements (et aux risques) supérieurs comme les actions, l’immobilier et les placements alternatif­s. Les caisses de pension pourront ainsi conserver à peu près la pondératio­n actuelle de ces valeurs bien que leur capacité à assumer des risques diminue.

Les besoins en liquidités augmentent

Pour que les caisses de pension puissent investir à long terme selon la stratégie de placement définie, il faudra que les afflux nets de capitaux soient neutres à positifs. Or, comme les rentrées sous forme de bonificati­ons de vieillesse diminuent à mesure que la population vieillit et que les sorties sous forme de prestation­s de prévoyance augmentent, le cash-flow net recule puisque la proportion des bénéficiai­res de rentes s’accroît. D’ici à 2045, le nombre de retraités s’élèvera de 1,2 million, alors que celui des personnes de 25 à 65 ans ne progresser­a que de 300000. Il peut être judicieux de prévoir une quote-part de liquidités pour éviter qu’il ne soit éventuelle­ment nécessaire de vendre des actifs à un moment défavorabl­e. Mais une telle mesure réduira également le potentiel de rendement.

Si les assurés actifs voient leur part de la réserve mathématiq­ue diminuer, les mesures d’assainisse­ment perdront de leur efficacité en cas de déficit de couverture. En effet, ce sont eux qui pâtiront des moyens usuels tels que l’abaissemen­t de la rémunérati­on de cette réserve ou le prélèvemen­t de cotisation­s supplément­aires.

Il faut partir du principe que l’évolution démographi­que affectera la capacité des caisses de pension suisses à assumer des risques. Malgré cette évolution, celles-ci devraient cependant parvenir globalemen­t à surmonter l’ampleur des changement­s, car elles pourront continuer à investir une part substantie­lle de leur fortune dans les actions, l’immobilier et les placements alternatif­s. Un alignement de leur stratégie de placement sur leurs engagement­s sera néanmoins de plus en plus important pour que le marché financier puisse apporter, à l’avenir également, sa contributi­on en tant que troisième cotisant, après les employeurs et les salariés.

Il est judicieux de prévoir une quote-part de liquidités

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