Le Temps

L’avenir de nos retraites pourrait-il venir du Portugal?

- CYRIL MEURY DIRECTEUR RÉGIONAL D’UBS ROMANDIE JEAN-FRANÇOIS BEAUSOLEIL DIRECTEUR RÉGIONAL D’UBS GENÈVE

Natalité très faible, espérance de vie en hausse: il n’y a plus que certains nostalgiqu­es des lendemains qui chantent à ne pas admettre qu’il va falloir – d’une manière ou d’une autre – relever l’âge de la retraite

La plupart des pays de l’OCDE ont d’ores et déjà décidé de relever l’âge de la retraite à plus de 65 ans alors qu’ils ont une espérance de vie inférieure à celle de la Suisse. Ici, le débat politique autour de la question tend déjà à s’enliser dans des considérat­ions populistes.

«En Suisse, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus augmentera de plus de moitié (57%) d’ici à 2040, car les baby-boomers de l’après-guerre atteindron­t l’âge de la retraite au cours des prochaines années.

Dans le même temps, le nombre des personnes en âge d’exercer une activité lucrative stagnera pratiqueme­nt, à condition que l’immigratio­n se maintienne», prévoient Veronica Weisser et Jackie Bauer. «Aujourd’hui, on compte 3,4 actifs pour une personne en âge de prendre sa retraite. Ce chiffre tombera à 2,2 en 2040», ont calculé ces deux spécialist­es de la prévoyance au sein de la recherche d’UBS.

Naviguer avec la boussole… portugaise

Autant dire que la situation est critique. Mais peut-être que l’insoluble quadrature du cercle helvétique pourrait trouver un chemin vers la solution en s’inspirant de la sphère armillaire portugaise. C’est cet astrolabe sphérique qui servait autrefois à déterminer la position des étoiles et qui figure entre le vert et le rouge du drapeau lusitanien.

En effet, le Portugal ne se contente pas d’attirer les futurs retraités avec des régimes fiscaux très attrayants. Le pays a aussi développé pour ses citoyens un modèle socialemen­t acceptable qui a permis avec succès d’assouplir l’âge de la retraite et de le relever progressiv­ement. Ce système a permis d’instaurer un financemen­t pérenne et sécurisé des retraites mais aussi de réduire les dettes publiques implicites.

Au départ, les symptômes du problème portugais sont identiques à la Suisse: le pays est aussi confronté à un vieillisse­ment très rapide de la population et à une augmentati­on rapide du nombre de retraités. Pour réformer son système de prévoyance, le Portugal a de surcroît subi les pressions exercées par l’Union européenne pour endiguer l’endettemen­t croissant des Etats «faibles» de la zone euro.

Cette manière de pérenniser les systèmes sociaux pourrait servir d’exemple à la Suisse. En effet, le Portugal se classe aujourd’hui au sixième rang des pays de l’Union européenne en matière de durabilité, loin devant des pays tels que l’Allemagne, la France, l’Autriche, le RoyaumeUni

et le Luxembourg. Avantage du modèle portugais: il comporte des mesures qui améliorent la viabilité financière du système tout en étant socialemen­t compatible­s.

L’âge de référence augmente avec l’espérance de vie

L’âge de référence pour le calcul de la rente publique financée dans un système de répartitio­n a été harmonisé pour les deux sexes (en 1999), porté à 66 ans (en 2014), et il augmente parallèlem­ent à l’espérance de vie (depuis 2016).

Pour chaque année d’espérance de vie gagnée par une génération à 65 ans, l’âge de référence est relevé de huit mois. Toutes les limites d’âge et les valeurs de référence (par exemple pour la retraite anticipée) sont ajustées en même temps. Aujourd’hui, l’âge de référence est de 66 ans et 2 mois. Il devrait atteindre 70 ans en 2070. Un outil en ligne permet aux assurés de déterminer l’âge de leur départ en retraite.

Si un actif a davantage d’années de cotisation que le nombre standard en vigueur (qui augmente en même temps que l’espérance de vie), un abaissemen­t de quatre mois de l’âge de référence lui est accordé pour chaque année de cotisation supplément­aire.

Cette mesure est destinée, en particulie­r, à favoriser les personnes ayant un faible niveau de formation et de faibles revenus, car elles entrent généraleme­nt plus tôt sur le marché du travail.

Primes de majoration de la rente

Qui continue à travailler au-delà de l’âge de référence reçoit des complément­s de rente pour les années d’activité supplément­aires. En cas d’une retraite anticipée qui n’est pas liée à l’augmentati­on du nombre d’années de cotisation en tant qu’actif, une retenue est appliquée sur la rente en fonction de l’espérance de vie.

Ce modèle est considéré comme un élément important de la solution aux problèmes démographi­ques. Pour une fois, la nation des navigateur­s au long cours pourrait tracer la voie pour les Helvètes aux bras noueux dans la tempête des systèmes de prévoyance.

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