Victoire, quand tu nous tiens
La boule au ventre, l’attente trépignante, on rafraîchit encore une fois l’écran. Et c’est la bonne; les pixels dessinent les premiers résultats genevois. Du haut de leur 2D, ils nous prennent par surprise en charriant leurs promesses. Ainsi s’est ouverte ma journée électorale du 20 octobre: béate devant un écran lumineux.
Alors on révise les mots-clés, on en invente rapidement de nouveaux pour le résultat inattendu, et l’on pénètre dans le tourbillon. Télé locale, télé romande, télé alémanique, télé tessinoise, on recommence dans le désordre, télé tessinoise, télé locale, télé romande, télé alémanique. Et l’on n’oubliera pas de payer sa redevance à la SSR.
Au gré des tours de piste émergent de nouveaux résultats. Glaris: un siège au Conseil des Etats – j’ose vous emprunter votre smartphone que je le voie de mes yeux? – Neuchâtel: idem – même dans le scénario «rêves les plus fous», il n’y était pas, celui-là. Et les sièges se multiplient comme des petits pains, au point que je commence à sérieusement me demander si l’ensemble du système informatique suisse n’est pas contrôlé par un malicieux hacker vert, ou une hackeuse verte, devrais-je dire.
J’apprendrai par la suite que c’est un record depuis l’introduction de la proportionnelle en Suisse, il y a exactement un siècle. Vertige et palpitations. Pas le temps de plonger, pour l’instant on s’accroche au nuage, «non, ce n’est pas une mode», «oui, nous louons la déesse Greta», «non, nous ne l’avions pas vu venir», «oui, cela va avec des responsabilités». Repas, réjouissance, bouchons qui sautent, marée qui monte, qui monte, qui monte.
Je referme derrière moi la porte de mon appartement empli du silence morphéen de la famille. Inspire-expire, mais est-ce seulement possible de répondre à tant d’attentes? Va-t-on y arriver, vais-je y arriver? Toutes ces personnes qui nous font confiance seront-elles là pour changer notre société? Et toutes ces voix, comment les honorer sans faillir? Les montagnes à franchir se dévoilent: la majorité parlementaire, les référendums. Le scrutin porte le doux nom de changement, mais est-ce qu’on le trouve dans le dictionnaire parlementaire? Puisons au plus profond de notre espoir, c’est maintenant que cela devient passionnant.
«Les sièges se multiplient comme des petits pains»