Vaste opération antiterroriste
Une grande opération antiterroriste a été menée mardi dans les cantons de Zurich, Berne et Schaffhouse
L’intervention conduite par une centaine d’agents de Fedpol et des polices cantonales a visé 11 individus soupçonnés d’appartenir à la mouvance djihadiste
Une intervention policière de grande envergure a été menée conjointement dans les cantons de Zurich, de Berne et de Schaffhouse mardi. Onze personnes soupçonnées de soutien à une organisation terroriste ont été interpellées. Ce coup de filet a mobilisé une centaine d’agents de la police fédérale et des polices des trois cantons concernés. Les six adultes et cinq mineurs visés par ces perquisitions sont tous soupçonnés de violation de l’art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes Al-Qaida et Etat islamique et les organisations apparentées, ainsi que de soutien à une organisation criminelle (art. 260ter CP).
Deux détentions préventives en vue
L’un d’entre eux avait déjà fait l’objet d’un jugement pour violation de la loi sur l’Etat islamique après s’être rendu en Syrie pour rejoindre des combattants de l’organisation terroriste. Le Ministère public de la Confédération (MPC) réclame sa détention préventive, ainsi que celle d’un autre homme. Il précise toutefois n’avoir aucun indice, à ce stade, qu’une «action concrète» se préparait en Suisse: «L’enquête a pour but d’éclaircir le rôle et les intentions des prévenus, pour qui la présomption d’innocence prévaut.» Les autorités ne donnent aucune indication supplémentaire sur les profils des personnes interpellées, ni sur ce qui leur est reproché.
Selon le Tages-Anzeiger, ce «voyageur du djihad» récidiviste serait V.L., un jeune homme de Winterthour parti en 2014 en Syrie avec sa soeur, alors que tous deux étaient encore mineurs. Leur cas avait fait grand bruit, tandis que la Suisse se trouvait confrontée à ses premiers retours de djihadistes. A l’issue de leur procès qui s’est déroulé devant le Tribunal des mineurs fin 2018, le frère et la soeur devenus adultes entre-temps avaient été condamnés à des peines de 11 et 12 mois avec sursis pour violation de la loi fédérale interdisant les groupes Al-Qaida et Etat islamique et les organisations apparentées. Ils se trouvaient depuis en période de probation et devaient régulièrement se soumettre à des contrôles policiers.
Le jeune homme s’est semble-t-il montré hermétique à sa peine, continuant à soutenir l’organisation terroriste. A Winterthour, il entretenait des liens avec d’autres figures du microcosme radicalisé qui gravitaient autour de la mosquée An’Nour, fermée depuis. Comme S.V., 33 ans, lui aussi parti en Syrie. A son retour en Suisse, ce double national italo-suisse s’est profilé comme une figure de proue de la scène djihadiste locale. Il partageait avec V.L. une passion pour les sports de combat. Tous deux fréquentaient Valdet Gashi, un champion de boxe, mort en 2015 lors d’un voyage sur les territoires occupés par l’Etat islamique en Syrie. Autre point commun: V.L. et S.V. étaient actifs dans l’organisation de distribution gratuite de corans «Lies!». Hasard du calendrier? S.V. apparaît comme la cible principale dans une enquête que le MPC a annoncé avoir bouclée pas plus tard que la semaine dernière. Quels rapports entre ces deux procédures?
Une coïncidence de calendrier
André Duvillard, délégué de la Confédération et des cantons pour le Réseau national de sécurité, souligne qu’il ne s’agit que de deux procédures pénales en lien avec le terrorisme parmi une soixantaine ouvertes par le MPC. Des dossiers qui occupent les autorités depuis parfois plusieurs mois ou années avant d’arriver à leur terme: «Cette opération s’inscrit dans une de ces phases clés du processus d’enquête. Il y a une coïncidence de calendrier qui veut que deux procédures aboutissent au même moment, mais elles ne sont pas forcément liées», dit-il.
L’étau semble toutefois se resserrer sur le cercle djihadiste de Winterthour. A côté de V.L. et S.V., quatre autres sympathisants présumés de l’Etat islamique de cette ville, âgés de 15 à 17 ans, font partie des personnes visées par les perquisitions menées mardi. Ils sont soupçonnés, outre de violation de l’art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes Al-Qaida et Etat islamique et les organisations apparentées, de représentation de la violence, ainsi que de violation de la loi sur les armes, précise le Ministère public des mineurs de Winterthour. Quant au cinquième mineur de l’affaire, il est installé dans le canton de Berne. L’enquête devra dire quelles sont les connexions entre Berne, Schaffhouse et Winterthour qui ont mené à cette interpellation conjointe.
Après une forme d’attentisme face à la menace terroriste internationale, la Suisse a connu un tournant vers 2014, estime André Duvillard: «On s’est souvent demandé si la Suisse et ses 26 cantons étaient à même de combattre efficacement les réseaux djihadistes. Ces annonces montrent que les dispositifs de lutte fonctionnent. Les enquêtes suivent leur cours et les autorités collaborent. Mais elles doivent aussi nous conforter dans la poursuite de la mise en oeuvre des mesures de prévention, que ce soit au niveau de la détection précoce ou encore au niveau de la police.»
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