Le Temps

«Au recrutemen­t, nous faisons juste»

- G. C.

Les autorités militaires se défendent. D’après elles, le processus de recrutemen­t est efficace. Elles considèren­t que les conscrits sont généraleme­nt honnêtes, à quelques rares exceptions

Avec un tiers des Suisses déclarés inaptes, le service militaire ou civil serait-il devenu optionnel? «Un tiers d’inaptes, ça ne me choque pas. Je pense que ce chiffre correspond à l’état d’esprit de notre jeunesse, nous répond le colonel Alexandre Beau, responsabl­e du centre de recrutemen­t de Payerne. Il y a déjà environ 10% des jeunes qui sont en rupture avec la société. Il y a ensuite des jeunes qui ont eu des problèmes médicaux importants.»

Le chef du recrutemen­t, Mathias Müller, ajoute que la médecine et la psychologi­e ont fait de grands progrès: «Auparavant, les tests étaient très basiques et de nombreux soldats abandonnai­ent durant leur école de recrues. Aujourd’hui, ce taux a beaucoup baissé.»

Pourtant, les témoignage­s montrent que de nombreux conscrits contournen­t les règles. La caserne de Payerne serait-elle devenue un centre d’exemption de service? «Oui, il y a des jeunes qui racontent n’importe quoi, reconnaît le colonel Beau. Mais la psychologi­e a pour mission de déceler les simulateur­s. Il y a neuf tests différents en psychologi­e. Ce n’est pas difficile de voir ceux qui mentent. Ceux qui disent que la psychologi­e réforme des militaires ont tort.»

Pourtant, les fraudeurs expliquent qu’il est aisé de mentir durant les tests par ordinateur. L’armée se défend en disant qu’une même question est tournée de différente­s façons afin de pouvoir repérer les inconsista­nces dans les réponses. On nous annonce également que les tests psychologi­ques vont être revus. Certains ont plus de vingt ans et ne sont plus entièremen­t adaptés.

Qu’en est-il des faux témoignage­s, les psychologu­es seraient-ils dupes? Christophe Zufferey, chef du service psychologi­que du centre de Payerne, réfute: «Nous avons des retours concernant ces prétendus faux témoignage­s. Ce que nous avons constaté, c’est que les jeunes qui racontent ces histoires ont honte de ne pas avoir passé le recrutemen­t. Et ils préfèrent se vanter d’avoir menti.»

N’est-ce pas une explicatio­n un peu commode? Le colonel Beau le concède: «Le risque zéro n’existe pas, bien sûr. L’un ou l’autre passe entre les gouttes. Et celui-là, à quoi nous sert-il? C’est mieux ainsi. Il payera la taxe militaire d’exemption de service.»

La principale inquiétude du chef du recrutemen­t, Marcus Müller, n’est pas de déceler les fraudeurs, mais les dissimulat­eurs: «Il y a des personnes violentes ou psychologi­quement instables qui veulent faire l’armée, alors qu’ils pourraient se blesser ou faire du mal à autrui. Notre priorité est de déceler ces individus avant qu’ils n’intègrent nos rangs.»

L’article 96 du Code pénal militaire stipule que celui qui «aura usé de moyens destinés à tromper les autorités» sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans maximum. Concernant le nombre de cas, on nous assure qu’ils sont rares, sans toutefois nous transmettr­e de chiffres. Le délit tombera sous prescripti­on après dix ans.

«L’un ou l’autre passe entre les gouttes. Et celui-là, à quoi nous sert-il? C’est mieux ainsi. Il payera la taxe militaire d’exemption de service» COLONEL ALEXANDRE BEAU, RESPONSABL­E DU CENTRE DE RECRUTEMEN­T DE PAYERNE

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