La construction a atteint le dernier étage
IMMOBILIER Pour la première fois depuis 2007, le secteur du bâtiment devrait enregistrer une baisse d’activité l’an prochain. La construction de logements arrive à saturation, prévient une étude de Wüest Partner, qui prévoit néanmoins une hausse des travaux de rénovation
Les forêts de grues et de gabarits devraient bientôt se dépeupler. «La tendance dans la construction de bâtiments est en train de s’inverser», annonce Wüest Partner, dans son dernier Moniteur immobilier, publié en fin de semaine dernière.
Le cabinet de conseil immobilier, se basant sur les demandes de permis de construire, s’attend à une baisse des investissements dans les nouveaux bâtiments de 1,9% l’an prochain. Ce serait une première depuis 2007. Les segments les plus touchés seront les immeubles commerciaux (-3%) et d’habitation (-2,8%). Cela a été dit et redit: en raison des taux bas, voire négatifs, les investisseurs institutionnels et privés se réfugient dans la pierre. Se contentant, parfois, de rendements de moins en moins attractifs – mais supérieurs à ceux des obligations d’Etat.
Plus de 50 milliards quand même
Conséquence, la suroffre menace et les taux de vacance augmentent. Le nombre de locations qui n’ont pas trouvé preneur a augmenté de 5,2% en une année, à 62825 unités. Mais selon Bernard Nicod, la situation est plus grave que ne le disent les statistiques. «On construit beaucoup trop. C’est de la folie, s’exclamait le promoteur vaudois dans 24 heures, mi-octobre. Cela fait dix-huit mois que nous avons levé le pied. Nous ne planifions plus de nouveaux gros chantiers […].» Les experts de Wüest Partner confirment: «En particulier dans les zones décentralisées, les difficultés de commercialisation pourraient dissuader les investisseurs de réaliser de nouveaux projets.»
Pour le secteur de la construction, la situation reste néanmoins «soutenable». «Une consolidation à un niveau élevé», souligne le porte-parole de la Société suisse des entrepreneurs (SSE). Même s’ils baissent, les investissements dépasseront encore les 50 milliards de francs l’an prochain. Wüest Partner s’attend par ailleurs à une accélération des rénovations et des transformations. En raison de la concurrence entre les logeurs, née justement de l’abondance de l’offre, améliorer la qualité d’un logement peut permettre aux propriétaires de faire la différence.
Les chiffres d’affaires dans la construction de logements ont atteint 1,78 milliard de francs au 2e trimestre, en hausse de 14% en un an. Les réserves de travail ont augmenté de presque 20%. Mais cette croissance devrait effectivement prendre fin en 2020. «Le zénith est dépassé, notamment dans le logement où les entrées de commandes ont été orientées à la baisse ces derniers temps [de -1,7% au 2e trimestre, ndlr]», précise la SSE.
Pour Wüest Partner, il y a une seconde raison, elle réglementaire, à cette accalmie: cinq ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire (LAT) visant à la densification, les zones à bâtir à exploiter se font plus rares. La SSE fait d’ailleurs un autre constat: «Déjà 36% de tous les nouveaux bâtiments sont des constructions de remplacement.» C’est une manière de densifier les quartiers déjà bien desservis par les transports publics, ajoute le porte-parole. En moyenne, chaque logement détruit est remplacé par deux nouveaux logements.
Le génie civil pour compenser
En revanche, dans le génie civil public, «les perspectives sont ewxcellentes à moyen et long terme», signale la SEE, alors que 2,2 milliards de francs de constructions ont été réalisées au 3e trimestre sur le territoire national. A plus long terme, les plus grands projets romands concernent celui sur l’A9 entre Viège et Sierre, pour lequel un investissement de 4 milliards de francs a été consenti, le CEVA à Genève (1,5 milliard) ou les travaux à la gare de Lausanne (1,3 milliard). ▅