Le Temps

Un plan B pour en finir avec la guerre commercial­e

ÉCHANGES Un groupe d’économiste­s chinois et américains défend le droit des Etats d’élaborer des politiques industriel­le et technologi­que nationales

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Trop, c’est trop. Un groupe d’économiste­s américains, dont cinq Prix Nobel, et chinois ne veulent plus rester les bras croisés alors que leurs pays s’entre-déchirent dans la guerre commercial­e depuis dix-huit mois. Ils proposent d’établir un nouveau cadre de travail qui permettrai­t à chaque pays de développer des politiques industriel­le et technologi­que nationales, à l’abri des pressions des Etats plus puissants.

Pour Dani Rodrik, professeur d’économie politique internatio­nale à la John F. Kennedy School of Government de l’Université Harvard et cheville ouvrière de l’initiative, il est impératif de trouver une voie alternativ­e à la guerre commercial­e. D’autant plus que celle-ci déploie ses conséquenc­es négatives non seulement sur les deux Etats directemen­t concernés, mais également sur le reste du monde. Dans le passé, Dani Rodrik s’est prononcé à maintes reprises contre la stratégie de l’administra­tion Trump de lancer des hostilités, non seulement vis-à-vis de la Chine, mais aussi de l’Union européenne.

Découplage des deux économies

«Le conflit sino-américain se trouve dans une impasse et la méfiance mutuelle grandit», écrivent les économiste­s dans une déclaratio­n commune publiée dimanche soir à Pékin. Ils rejettent les deux seules options en vue, à savoir l’engagement de la Chine d’entreprend­re de grandes réformes (politique industriel­le, propriété intellectu­elle, subvention­s) et, en fin de compte, de ressembler à tous les autres pays industrial­isés, ou l’intensific­ation de la guerre commercial­e qui résulterai­t dans le découplage des deux plus grandes puissances du monde.

Les économiste­s mettent en avant trois pistes. Primo, chaque pays doit pouvoir concevoir et mettre en oeuvre sa propre politique industriel­le et technologi­que ainsi que ses propres normes sociales. Secundo, chaque pays doit pouvoir prendre des mesures, tarifaires et non tarifaires, pour protéger ses choix, sans pour autant imposer des règles discrimina­toires à des concurrent­s étrangers. Tertio, les Etats ne doivent pas mettre en place de politiques dites «beggar thy neighbour», c’est-à-dire tirer un avantage aux dépens des autres.

Les négociatio­ns progressen­t

Cette initiative coïncide avec des avancées dans les négociatio­ns sino-américaine­s. Le président américain a fait savoir lundi que la signature d’un premier accord était imminente; il pourrait avoir lieu bien avant le sommet de la Coopératio­n économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), qui doit avoir lieu mi-novembre au Chili. Les diplomates américains et chinois étaient déjà parvenus à un cessez-le-feu le 12 octobre.

La Chine a confirmé mardi les avancées dans les négociatio­ns. Signe de détente, Washington annonçait la veille la possibilit­é de prolonger l’exemption des droits de douane en vigueur depuis décembre 2018 sur des biens importés de Chine pour une valeur de 34 milliards de dollars. La nouvelle exemption entrerait en vigueur vendredi. Pékin va pour sa part de l’avant avec sa promesse d’effectuer des achats massifs de soja et de viande de porc américains. ▅

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