«Un président dans la logique du quinquennat»
Une adversaire désignée en la personne de Marine Le Pen. Des réformes qui seront mises en oeuvre après 2022. Les choix du président français sont le reflet des institutions
Pierre Mathiot est un observateur engagé de la vie politique française et de l’action d’Emmanuel Macron. Directeur de Sciences Po à Lille, cet universitaire conseille aussi le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer. Pour lui, les tournants pris par Emmanuel Macron portent d’abord la marque d’un calendrier institutionnel français de plus en plus accéléré.
Evoquer déjà, à mi-mandat, l’échéance présidentielle de 2022, est-ce exagéré? Non, c’est absolument logique. La temporalité du mandat de cinq ans conduit logiquement le chef de l’Etat à se projeter, dès maintenant, vers la prochaine élection présidentielle. La preuve en est, pour Emmanuel Macron, que plusieurs chantiers de réformes se poursuivront, voire seront mis en oeuvre au-delà de 2022. On voit bien que celui-ci regarde à l’horizon de deux mandats. C’est acté.
Avec Marine Le Pen pour adversaire désignée? Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont tous deux intérêt à se profiler comme les futurs protagonistes du duel présidentiel de 2022. Lui, parce qu’il pense que sa victoire au second tour est assurée face à la présidente du Rassemblement national. Elle, parce que ce statut d’opposante n° 1 lui garantit une exposition médiatique et une présence politique de premier plan. Il faut toutefois se méfier des analogies trop automatiques avec l’élection de mai 2017. Pour Macron, le «front républicain» anti-RN sera bien plus compliqué à obtenir si beaucoup d’électeurs de gauche boudent les urnes, tandis que pas mal de sympathisants de droite franchissent la ligne rouge qui les sépare de l’extrême droite. Le report de voix ne se fera sans doute pas dans les mêmes proportions. Réduire le jeu politique à un choix binaire, en démocratie, est toujours très dangereux. On le constatera à ce moment-là.
Un troisième candidat pourrait-il surgir? Aujourd’hui, cela paraît peu probable. La déliquescence des grands partis traditionnels, à gauche et à droite, ouvre un boulevard à Emmanuel Macron malgré le niveau d’hostilité à son égard dans une partie importante de l’opinion. On voit mal, en deux ans et demi, un candidat émerger face à Marine Le Pen et une alternative au président au sein de sa majorité est juste impensable. A court terme, la stratégie suivie par ce dernier apparaît donc gagnante.
A court terme… cela veut dire pour 2022? Oui, avec l’inquiétude consécutive pour 2027. En fait, Macron et Le Pen se préparent à un duel le dos au précipice et ceci est angoissant pour la France. La question, c’est en fait le devenir du macronisme. Sur quoi vont déboucher ce grand chamboulement des partis et cette aventure très personnelle, très Ve République dans sa version gaullienne, qu’est la conquête du pouvoir par Emmanuel Macron? Il est encore très difficile d’y voir clair.
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