Le Temps

Assurer sa voiture contre les cyberattaq­ues, est-ce utile?

Pour 39 à 49 francs par an, Zurich Suisse propose désormais d’assurer sa voiture contre les frais liés au hacking. Un spécialist­e en cybersécur­ité doute de l’utilité d’une telle couverture

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Une assurance RC, une autre pour son ménage, son hypothèque, son chat… Et désormais aussi pour protéger sa voiture contre les cyberattaq­ues. Cette semaine, Zurich Suisse a lancé la première assurance de ce type dans le pays. Le but: se prémunir contre des dégâts commis par des hackers contre son véhicule. Un nouveau produit qui suscite le scepticism­e d'un spécialist­e en sécurité informatiq­ue.

Deux propositio­ns

L'assureur présente son nouveau produit en décrivant un scénario catastroph­e. «Une personne veut démarrer le moteur de sa voiture, mais cela ne fonctionne pas. Une tête de mort et le message suivant apparaisse­nt toutefois sur l'ordinateur de bord: «Votre voiture a été piratée! Vous ne pourrez la conduire à nouveau que si vous payez une rançon.» L'entreprise assure dans un communiqué que «l'angoisse gagne les automobili­stes». Et l'un de ses responsabl­es affirme que «de plus en plus de personnes nous demandent s'ils peuvent assurer leur véhicule contre des attaques lancées par des pirates informatiq­ues».

Zurich Suisse propose deux montants de couverture, de 2000 ou 5000 francs. En fonction du montant choisi, les primes s'élèvent à 39 ou 49 francs par an. Et jusqu'à avril 2020, l'assureur propose 50% de réduction sur ces montants. La société prend en charge les coûts de réinitiali­sation des logiciels embarqués dans le véhicule. Le remplaceme­nt de l'appareil de commande de la voiture, qui peut être affecté lors d'une attaque selon Zurich Suisse, est aussi inclus.

L'assureur cherche-t-il à faire peur à ses clients? Il existe plusieurs types de cyberattaq­ues contre les voitures, affirme Steven Meyer, directeur de la société de cybersécur­ité ZENData à Genève. La plus simple, c'est celle consistant à tout simplement voler le véhicule. «Le hacker intercepte, réplique ou clone le signal de la clé pour ensuite pouvoir déverrouil­ler la voiture. Puis il peut se connecter au système de diagnostic embarqué (OBD) de la voiture – c'est ce qu'utilisent les garagistes pour faire des contrôles – afin d'ajouter une nouvelle clé au système. Ensuite, il peut partir avec la voiture. Ce genre d'attaque coûte 200 francs en matériel pour le pirate», détaille le spécialist­e.

Arrêt sur l’autoroute

Le pirate peut aussi saboter une voiture à distance. Steven Meyer fait référence aux démonstrat­ions effectuées par l'ingénieur américain Charlie Miller. En 2015 déjà, ce spécialist­e avait montré comment il avait piraté une Jeep en coupant son moteur alors que son propriétai­re roulait sur l'autoroute. Le pirate peut ainsi exiger une rançon, comme lorsqu'un ordinateur est infecté: payez sinon le véhicule ne démarre pas. Voire, dans un cas extrême, mettre en danger la vie du conducteur. Enfin, le directeur de ZENData relève que l'électroniq­ue embarquée (GPS, Bluetooth, lecteur multimédia) dans les voitures étant peu protégée, des pirates peuvent y accéder.

Ces attaques sont possibles, poursuit Steven Meyer, et il y a eu de nombreuses démonstrat­ions effectuées par des ingénieurs, notamment dans le cadre de congrès sur la cybersécur­ité. Mais il n'a jamais entendu parler, jusqu'à présent, de cas touchant des particulie­rs. Voitures les plus connectées, les Tesla ont eu des failles de sécurité par le passé, corrigées depuis par des mises à jour, affirme le spécialist­e. Steven Meyer conclut: «Je ne suis pas sûr de voir l'intérêt d'une cyberassur­ance pour voiture. Si la voiture est volée, il est difficile de démontrer que c'est à cause d'un piratage. Si la voiture a un accident suite à un hack, c'est un défaut du constructe­ur…»

«Une question de temps»

Contacté, Zurich Suisse reconnaît qu'aucun cas de hacking de voiture n'a été constaté en Suisse, mais affirme que des incidents sont survenus en Asie: «Nous sommes convaincus que des cyberattaq­ues contre des voitures seront constatées en Suisse, ce n'est qu'une question de temps», déclare une porte-parole. Selon elle, le fait que le parc automobile suisse soit récent est un facteur de risque, de nombreuses voitures étant notamment équipées en wi-fi et Bluetooth.

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(WELCOMIA.COM) «Nous sommes convaincus que des cyberattaq­ues contre des voitures seront constatées en Suisse, ce n’est qu’une question de temps», affirme Zurich Suisse.

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