Le Temps

«J’avais les capacités pour faire carrière, mais…»

Il est aujourd’hui agent immobilier, trois ans après avoir arrêté le football. Kofi Ntiamoah Nimeley est l’un des quatre champions du monde M17 à être très vite retombés au niveau amateur. Il n’en conçoit aucune amertume, malgré quelques erreurs d’aiguill

- JOACHIM GONZALEZ @js__gonzalez

En 2009, il marquait l’histoire du football suisse en devenant champion du monde M17 aux côtés de Xhaka, Rodriguez ou Seferovic. Aujourd’hui, Kofi Ntiamoah Nimeley a rangé ses crampons, après avoir tenté de se faire une place dans le football profession­nel. Mais, comme il le raconte, le chemin pour y parvenir est semé d’embûches.

Génération 92

Durant toute la semaine,

Le Temps revient sur les dix ans de la victoire de l’équipe nationale M17 à la Coupe du monde 2009 au Nigeria, le premier – et unique – titre mondial du football suisse.

En 2009, il marquait l’histoire du football suisse en devenant champion du monde M17 aux côtés de Granit Xhaka, Ricardo Rodriguez ou Haris Seferovic. Aujourd’hui, il est responsabl­e de gestion clientèle dans une agence immobilièr­e de Zurich. «Très heureux» dans sa nouvelle vie, Kofi Ntiamoah Nimeley a sûrement vécu le sommet de sa carrière sportive il y a dix ans, au Nigeria. «J’en garde un magnifique souvenir, clame-t-il avec enthousias­me. Mais quand on est jeune, on ne se rend pas compte du chemin qui nous sépare d’une longue carrière profession­nelle. Franchir cette étape n’est pas facile», poursuit sans amertume le milieu de terrain formé au FC Bâle.

Dans cette génération dorée, ils sont quatre à avoir connu une retraite prématurée. Outre Kofi Nimeley, Igor Mijatovic (formé à Bellinzone), Robin Vecchi (Bâle) et Maik Nakic (Sion) ont également mis un terme à leur carrière depuis quelques années déjà. Vecchi et Nakic n’ont jamais évolué en Super League, ni même en Challenge League. Ils ont été prêtés dans les équipes de divisions inférieure­s de leur région (Dornach pour Vecchi, Naters pour Nakic), ont tenté de se relancer un peu plus loin (Black Stars, Aigle) avant de renoncer. Igor Mijatovic a fait une quinzaine d’apparition­s en Challenge League avec Locarno avant de signer il y a deux ans à Biaschesi en quatrième ligue.

Une saison en Challenge League

Kofi Nimeley, lui, a connu le monde profession­nel, à Locarno, où il pose ses valises en 2013. Lors de sa première saison, il joue en Challenge League, avant que le club soit relégué en troisième division. «A Bâle, je n’avais eu droit qu’à quelques matches amicaux avec l’équipe première, se souvient-il. En championna­t, je continuais d’être restreint aux catégories de jeunes: le club ne m’a jamais aligné en Super League. J’allais avoir 21 ans, j’avais donc besoin d’être titulaire dans une équipe profession­nelle. Et c’est précisémen­t ce que m’offrait Locarno.»

A ce moment, le titre de champion du monde paraît déjà loin. «J’ai vite oublié mon statut. Sur le terrain, on est tous les mêmes, assure fermement le polyvalent milieu de terrain. Je n’étais pas arrogant et je n’avais pas de raison de l’être. Devenir champion du monde ne m’a pas propulsé à Chelsea ou Manchester City.» Dans le Tessin, Kofi Nimeley devient un titulaire privilégié qui gagne en maturité. «En Challenge League, j’ai vu que le talent ne suffisait pas, confie-t-il avec lucidité. A Locarno, quelques vieux briscards pouvaient être fiers d’une longue carrière, alors qu’ils n’étaient pas les plus talentueux. On apprend beaucoup de ces joueurs-là.»

Mais l’idylle ne se conclut pas sous les meilleurs auspices. Descente en Promotion League, épanouisse­ment en berne, salaires impayés… Kofi Nimeley quitte Locarno à l’été 2015. «Ce n’était pas possible de rester dans ces conditions, affirme-t-il avec évidence. Certains joueurs avaient peur de ne rien avoir à manger à la fin de la semaine. Il n’y a pas que du positif dans ce milieu. Pendant cette période, j’ai vraiment vécu pour le football, mais je n’étais plus si heureux.» Arrêter lui traverse l’esprit. Il rebondit une dernière fois au FC Black Stars (Promotion League), chez lui à Bâle, avant de définitive­ment ranger ses crampons l’année suivante.

Occasions ratées

Avec le recul, Kofi Nimeley énumère les opportunit­és ayant jalonné sa carrière. Autant d’occasions manquées qu’il évoque avec plus ou moins de regrets. «J’ai raté le wagon profession­nel à Bâle, j’en ai peut-être raté d’autres. C’est difficile de trouver un projet dans lequel avoir confiance», reconnaît-il. A 18 ans, un contrat l’attend à Blackburn mais le limogeage de l’entraîneur Sam Allardyce le pousse à décliner. Leverkusen se manifeste ensuite mais cherche plutôt un joueur pour ses M23. «Je ne voulais plus jouer en jeunes, à Bâle ou ailleurs. Mais peut-être que je serais au moins en deuxième division allemande si j’avais accepté», songe-t-il.

Par la suite, l’ancien Bâlois, devenu méfiant, rechigne à partir à l’aventure. «Il y a eu des contacts, mais rien de concret, relate-t-il. J’ai rencontré des intermédia­ires peu fiables voulant faire du business. Je n’avais pas forcément les bonnes relations.» Une dernière occasion se présente: des offres lucratives provenant d’Asie et des Etats-Unis. «Mais qu’aurais-je fait à la fin du contrat? Revenir en Europe aurait été compliqué», tempère-t-il. Longtemps crédible, l’hypothèse d’un départ exotique s’évapore finalement lorsqu’il se découvre «une réelle passion» pour son nouveau travail dans l’immobilier.

«J’aurais dû être plus égoïste»

Pour Kofi Nimeley, le football s’est depuis grandement éloigné, en témoigne sa silhouette enrobée «d’une dizaine de kilos». Ce n’est plus qu’un simple loisir du dimanche, pratiqué à Binningen quand il en a «le temps». A-t-il arrêté trop tôt? Il se pose régulièrem­ent la question. Et regrette surtout son «manque d’égoïsme». «J’ai toujours davantage pensé au collectif qu’à moi-même, surtout à Locarno. J’étais baladé à tous les postes, j’aurais pu partir dans un club belge, mais j’ai voulu rester pour aider l’équipe, raconte-t-il. En réalité, il faut penser à sa propre carrière en permanence. C’est indispensa­ble. J’aurais dû me fixer des objectifs personnels à atteindre, c’est comme ça que les bons joueurs réussissen­t.»

Cette mentalité, il a pu l’observer très tôt chez les M17. «Certains joueurs disaient: «Aujourd’hui je vais faire un but et une passe décisive. Et ils le faisaient! se rappelle-t-il, presque étonné. Ils avaient un mental d’acier, on savait qu’ils allaient réussir.» Aujourd’hui, Kofi Nimeley observe avec fierté le parcours de ses ex-coéquipier­s, notamment Granit Xhaka, qu’il considère «comme un frère». L’ancien joueur reste persuadé d’avoir eu «les capacités pour faire carrière», sans avoir pu réellement franchir «ce petit pas vers le monde pro». Il aspire désormais à connaître une vie «plus sereine», rythmée de temps à autre par quelques crochets balle au pied.

«J’aurais dû me fixer des objectifs personnels à atteindre, c’est comme ça que les bons joueurs réussissen­t.»

KOFI NTIAMOAH NIMELEY

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(DOMINIC BÜTTNER POUR LE TEMPS) Kofi Ntiamoah Nimeley: «J’ai toujours davantage pensé au collectif qu’à moi-même. En réalité, il faut penser à sa propre carrière en permanence. C’est indispensa­ble.»

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