Le Temps

Trois visages qui illuminent l’Afrique

- RAM ETWAREEA, JOHANNESBU­RG @rametwaree­a

Un afro-optimisme règne à la deuxième édition de l’Africa Investment Forum qui a lieu en ce début de semaine à Johannesbu­rg. Des dizaines de projets cherchent à attirer des capitaux publics et privés. Trois acteurs témoignent

Un vrai bazar ici. Au coeur de Johannesbu­rg, la capitale économique d'Afrique du Sud, le Sandton Convention Centre a pris, l'espace de trois jours, l'allure d'une place de marché où 2000 chefs d'Etat et de gouverneme­nt, banquiers, financiers, entreprene­urs, agents gouverneme­ntaux et autres fonctionna­ires d'institutio­ns financière­s négocient des contrats. La deuxième édition de l'Africa Investment Forum (AIF) se penche sur 59 projets dans divers domaines, en quête de capitaux. L'an dernier, cette manifestat­ion avait traité 49 projets nécessitan­t des investisse­ments de 38,7 milliards de dollars.

L'ambiance est résolument à l'afro-optimisme. Dans les mots d'Akinwumi A. Adesina, président de la Banque africaine de développem­ent (BAD), organisatr­ice de l'AIF, les bonnes nouvelles affluent ces derniers mois: le Prix Nobel de la paix au président éthiopien Abiy Ahmed, la Coupe du monde de rugby 2019 aux Springboks d'Afrique du Sud, un premier homme à courir un marathon en moins de deux heures en la personne du Kenyan Eliud Kipchoge. «L'Afrique est en plein essor sur le plan économique aussi, s'est-il extasié. Le Moody's Investor vient d'affirmer que le continent a connu l'un des taux de défaut le plus bas du monde entre 1983 et 2016.»

Tokunboh Ishmael dirige un fonds d’investisse­ment

L'AIF 2019, c'est aussi des témoignage­s. En voici trois qui ont illuminé l'événement. En premier, Tokunboh Ishmael. Cette Nigériane est la cofondatri­ce d'Alitheia, un fonds d'investisse­ment et de conseil. Sa vocation: canaliser les investisse­ments dans l'immobilier dans le but de faciliter l'accès au logement pour les couches les plus défavorisé­es de la population. Elle avait démarré le lancement du fonds l'an dernier et avait fixé un objectif de 100 millions de dollars. «A cette date, nous l'avons atteint à 70%, ce qui a permis d'investir déjà dans plusieurs entreprise­s, se félicite-t-elle. Les financiers sont de plus en plus enthousias­tes à participer à des initiative­s qui non seulement assurent un retour sur investisse­ment, mais qui améliorent aussi la vie des population­s.»

Expert-comptable de formation, Tokunboh Ishmael gère également un fonds consacré aux entreprise­s fondées par des femmes. «Nous devons aller encore plus loin, lance-t-elle. Il ne suffit pas d'avoir des cheffes d'entreprise ou même des cheffes de gouverneme­nt. L'égalité salariale devrait devenir aussi une réalité en Afrique.» La Nigériane sait de quoi on parle. Dans le continent, la femme joue un rôle primordial dans la société, mais elle est peu reconnue et largement défavorisé­e en matière de rémunérati­on.

Ashish Thakkar lance un smartphone made in Africa

En second Ashish Thakkar, un Britannico-Ougandais de 39 ans. En octobre dernier, il a produit les premiers exemplaire­s de Mara Phones produits dans une fabrique basée dans la zone économique spéciale de Kigali, capitale du Rwanda. Le lancement a été fait en grande pompe et désormais des smartphone­s made in Africa sont vendus sur internet. A présent, le marché est dominé par la marque sud-coréenne Samsung et la chinoise Tecno au prix de 40 et 70 dollars respective­ment. Le Mara Phone, qui bénéficie d'un partenaria­t avec Google, vaut beaucoup plus cher, soit 200 dollars, mais le groupe s'est arrangé avec les banques afin que l'acheteur puisse étaler le paiement sur deux ans.

«Nous comptons déjà 480 collaborat­eurs, pour la plupart des jeunes, dont 60% de femmes, a-t-il fait remarquer aux délégués de l'AIF. Il ne s'agit pas de travail d'assemblage, mais nous produisons ou achetons des composants dans le continent. Auteur de The Lion Awakes. Adventures in Africa's Economic Miracle

(2015), Ashish Thakkar entend implanter un deuxième centre de production à Durban, en Afrique du Sud.

Masai Ujiri veut faire des sports une industrie lucrative

Enfin Masai Ujiri. Le Nigérian est déjà une figure connue en Afrique, plus particuliè­rement dans le monde du basketball. Les Raptors de Toronto, dont il est le manager, ont remporté en juin le tournoi de la NBA (la première ligue nord-américaine, la plus importante de ce sport au monde), une première pour une équipe canadienne jouant aux Etats-Unis. Aux dernières nouvelles, il serait convoité pour diriger les New York Knicks.

Bien que faisant carrière à l'étranger, Masai Ujiri est resté proche de l'Afrique. Ce n'est pas sans émotion qu'il raconte comment il a convaincu le président rwandais, Paul Kagame, à construire une arène de sports à Kigali. «Aujourd'hui, le projet est complété, mais il ne s'agit pas seulement d'un complexe sportif pour les jeunes, lance-t-il. C'est un investisse­ment qui dynamise le secteur des sports au Rwanda.» Et d'exhorter toute l'Afrique à se doter d'infrastruc­tures sportives. «Nous produisons des champions qui jouent en Europe et aux Etats-Unis parce que le continent n'a pas développé son industrie sportive, reproche-t-il. Les sports peuvent représente­r des dizaines des milliers d'emplois et générer des millions.»

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