«Etre né sous l’signe de l’Hexagone, c’est pas c’qu’on fait de mieux en c’moment»
COMME LE DIT LA CHANSON
Le refrain d’Hexagone, la chanson brûlot de Renaud (1975), interdite en son temps sur les ondes de France Inter, est plus que jamais d’actualité. Dans un contexte de tension sociale généralisée, la France retient son souffle en attendant la date fatidique du 5 décembre et le début de la grève reconductible à la RATP et à la SNCF, qui pourrait bien paralyser le pays pendant tout le mois de décembre.
Les syndicats sont entrés en guerre contre l’abolition des régimes spéciaux prévue dans le cadre de la réforme du système de retraite. Les collaborateurs des deux régies publiques sont particulièrement visés puisque les conducteurs de rames de métro et les agents conducteurs de train peuvent prendre leur retraite à 52 ans, avec une pension avantageuse.
La grève intervient alors que la France connaît déjà une floraison de mouvements sociaux qui témoignent d’un immense mal-être social. Le mouvement des «gilets jaunes» a fait remonter la colère des «sans-grades» (salariés, petits patrons ou retraités) des zones désindustrialisées ou rurales, appauvris par le poids de la fiscalité indirecte. La mobilisation du personnel des urgences témoigne pour sa part de la situation catastrophique de certains hôpitaux, endettés, mal équipés, et insuffisamment dotés en personnel. Et de nouvelles causes mobilisent l’opinion publique comme le climat ou les violences patriarcales.
Ces mouvements sont tous dirigés contre l’Etat. C’est le paradoxe français. Les services publics sont en crise alors que le ratio de la dépense des administrations publiques par rapport au PIB (y compris les assurances sociales et les entreprises publiques) est le plus élevé des pays de l’OCDE (56,4%). Une bonne partie du territoire est mal desservie par la SNCF; les autoroutes ont été privatisées et sont donc payantes; les universités ont de la peine à répondre à la demande; la filière professionnelle en école, qui a été préférée au système de l’apprentissage, donne des résultats mitigés. Par comparaison, dans un pays comme la Suède, la dépense publique ne représente que 49,1% du PIB alors que les services publics fonctionnent à la satisfaction générale et que les habitants jouissent d’une sécurité sociale enviable.
Pour tout arranger, le système fiscal français au sens large (y compris donc les prélèvements obligatoires pour les assurances sociales) ponctionne fortement les petits et moyens revenus et les entreprises. Le coût salarial d’un collaborateur est élevé tandis que son salaire net est plutôt modeste. Le pouvoir d’achat des Français est de surcroît fortement réduit par le poids de la fiscalité indirecte, de la TVA en particulier, à laquelle s’ajoute une longue liste de taxes qui érodent le pouvoir d’achat. Certes, la majorité des ménages ne sont pas astreints à l’impôt sur le revenu, mais ils sont soumis à la contribution sociale généralisée, qui se monte à 9,2%, avec des taux réduits pour les retraités, les chômeurs et une exonération pour les plus misérables.
On comprend mieux dès lors la profonde colère des «gilets jaunes» et la sympathie d’une majorité de l’opinion publique à leur égard. C’est la révolte de ceux dont le pouvoir d’achat est miné par les prélèvements obligatoires alors que les services publics ont souvent largement déserté les territoires où ils vivent.
Pour tout arranger, la crise politique est profonde. Les grands partis traditionnels, décrédibilisés par des décennies de grands écarts entre leurs promesses électorales et leurs actes, se sont effondrés. L’avenir de La France insoumise n’apparaît pas particulièrement radieux. Le Rassemblement national renforce tranquillement son assise pendant que La France en marche capitalise sur l’effondrement des vieux partis. Le problème, c’est que Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont honnis (le mot n’est pas trop fort) par une forte majorité des Français. Comment alors ne pas conclure avec la fin du refrain d’Hexagone et son clin d’oeil à Brassens: «Et le roi des cons sur son trône, j’parierais pas qu’il est all’mand»!
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