Le Temps

Le franc fort est devenu un moindre handicap

INDUSTRIE Une étude réalisée par l’Université de Saint-Gall montre que la force de la devise nationale semble être un obstacle moins important au maintien voire à l’accroissem­ent des capacités de production dans le pays

- SERVAN PECA @servanpeca

Le prix importe peu, si la qualité et la réactivité sont au rendez-vous. C’est l’un des résultats qui émergent du sondage publié mercredi par l’Institute of Technology Management (ITEM) de l’Université de Saint-Gall. Dans la hiérarchie des priorités des clients de l’industrie suisse, le prix est certes en 4e position sur 10 – derrière la qualité, les délais de livraison et le respect de ces derniers. Mais son importance régresse, par rapport à 2017 et 2018.

Dans la même veine, le classement «des obstacles à la production en Suisse» montre certes que les taux de changes restent sur le podium, mais leur importance a nettement diminué par rapport à 2017, lorsqu’ils étaient en tête des réponses. Ce résultat est «particuliè­rement surprenant, étant donné la force du franc», notent ses auteurs.

C’est justement pour aller au-delà des considérat­ions comptables que l’ITM estime nécessaire de mieux comprendre les motivation­s des industriel­s. Son rapport n’omet pas le fait qu’ils rencontren­t des difficulté­s et souffrent du ralentisse­ment. Il rappelle d’ailleurs que début novembre la faîtière Swissmem s’est alarmée d’un recul de 27% des entrées de commandes chez ses membres, depuis juin 2018.

Délocalise­r par défaut

Outre le défi du franc et de la cherté suisse, l’institut saint-gallois a collecté les réponses de 219 entreprise­s sur les raisons qui les poussent à investir dans leurs capacités de production, à innover, à numériser tout ou partie de leur processus ou à délocalise­r.

Sur ce dernier point, les vieilles habitudes ont la vie dure. Le motif d’une délocalisa­tion le plus souvent mentionné est la réduction des coûts. Mais ces décisions semblent l’être par défaut, puisque les avantages de bénéficier d’une infrastruc­ture à l’étranger ou l’améliorati­on des processus sont très peu évoqués dans les réponses. Autrement dit, «il est encore intéressan­t de produire en Suisse et les délocalisa­tions ne se justifient pas forcément», insiste l’un des auteurs, Christian Elbe. Au téléphone, son collègue Dominik Remling ajoute: «L’un des avantages d’être en Suisse, c’est d’être rapide et réactif aux demandes des clients. C’est un aspect auquel il faut attacher davantage d’importance.»

Le recrutemen­t sélectif

L’étude relève par ailleurs qu’un nombre très restreint de sondés a répondu aux questions sur les délocalisa­tions. Les auteurs en déduisent qu’ils sont peu à en programmer une rapidement. Même si, au cours de ces derniers mois, les conditions se sont dégradées et que quelques départs sont envisagés, à l’instar de celui de la medtech vaudoise Symetis.

«A long terme, les aspects socioécono­miques doivent aussi être considérés, souligne le responsabl­e d’une entreprise pharmaceut­ique anonymemen­t cité dans le rapport. Tout ne peut pas seulement reposer sur le profit.» Dans le chapitre consacré à l’emploi, sa volonté de ne pas uniquement se focaliser sur les coûts n’est que partiellem­ent prise en compte.

L’étude montre que seulement 7% des entreprise­s sondées (2% en 2017) ont engagé plus de salariés en Suisse qu’à l’étranger. A l’avenir, elles prévoient certes de recruter mais se montrent plus ambitieuse­s pour leurs activités à l’étranger que pour la Suisse. Et dans le pays, ce sont surtout sur les services et la R&D qu’elles devraient se concentrer. Et beaucoup moins sur la production et l’assemblage.

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