La Fed ne quitte plus le marché Repo
POLITIQUE MONÉTAIRE Deux mois après le début de son intervention sur le marché interbancaire, une première depuis 2008, la banque centrale américaine a annoncé une quatrième rallonge de ses opérations jusqu’à la fin du mois de janvier
La Réserve fédérale américaine va continuer d’intervenir sur le marché interbancaire au moins jusqu’en janvier. Vendredi dernier, la Fed de New York a publié sur son site le calendrier des interventions qu’elle prévoit. Depuis deux mois maintenant, la banque centrale américaine est active sur le marché des Sale and Repurchase Agreement, abrégés en Repo, par le biais de son antenne new-yorkaise. Elle n’avait plus mené de telles opérations depuis la crise économique de 2008. C’est la quatrième fois qu’elle annonce une prolongation de cette politique.
A la mi-septembre, une hausse surprise du taux du marché Repo a poussé la Fed à y injecter quotidiennement jusqu’à 75 milliards de dollars de liquidités. Ce montant a depuis été relevé à 120 milliards. Son objectif est de maintenir les taux du marché au plus proche des taux directeurs. Le 30 octobre, ces derniers ont été abaissés dans une fourchette comprise entre 1,5 et 1,75%.
Une problématique, rassurer le marché
Le marché Repo permet aux banques d’obtenir rapidement des liquidités à court terme auprès d’autres acteurs financiers, notamment pour assurer leurs opérations journalières tout en maintenant des réserves suffisantes comme garantie de leurs fonds. Pour débloquer ces fonds, les banques apportent en garantie des titres sûrs, comme des bons du Trésor. Elles les rachètent souvent du jour au lendemain, mais ces opérations peuvent s’étendre sur des durées plus longues, jusqu’à un an.
L’action de la Fed consiste donc à maintenir un montant de liquidités suffisant sur cette place d’échange pour éviter une congestion, avec une demande de cash supérieur à l’offre, telle que celle qui a eu lieu en septembre. Une situation qui ne coule pas forcément de source. «Le marché devrait être extrêmement liquide puisque les banques aujourd’hui sont extrêmement bien capitalisées», souligne Marc Bourget, gestionnaire de portefeuille pour la banque Vontobel. La crainte d’une crise des liquidités provoque un cercle vicieux, puisque les détenteurs de cash préfèrent conserver leurs réserves plutôt que de prêter, accentuant les tensions.
La fin de cette intervention, qui devait durer quelques jours à son annonce, ne cesse d’être repoussée. «Personne ne peut dire combien de temps il va falloir pour que le marché se rassure, estime Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Economics. Cela va dépendre des chocs exogènes qui peuvent intervenir. Nous sommes dans une période anxiogène. Les indices de valorisation boursière sont à leur plus haut historique, donc il y a la peur d’une correction. Toutes les organisations mettent en garde contre un endettement excessif.»
Une intervention à long terme
Pour le moment, la Réserve fédérale a prévu d’intervenir à hauteur de 120 milliards de dollars sur des opérations de refinancement au jour le jour jusqu’au 12 décembre. Elle pourrait choisir de revoir ce montant à la hausse, ou à la baisse, pour la suite des opérations jusqu’en janvier. D’autant que la fin d’année est traditionnellement marquée par des tensions de liquidité, les banques américaines ayant tendance à se retirer du marché Repo pour diminuer la taille de leur bilan. Ces mesures à très court terme se doublent d’opérations repo sur des durées allant de 13 à 48 jours pour des montants compris entre 15 et 35 milliards de dollars.
La politique de la banque centrale américaine au sujet des repo semble donc devoir s’inscrire dans la durée, au risque que les acteurs ne puissent plus s’en passer. «L’objectif de la Fed est d’assurer la stabilité des prix et c’est pour cela qu’elle intervient sur ce marché, estime Marc Bourget. Elle apparaît de plus en plus comme le prêteur de dernier recours, mais normalement elle devrait plus laisser la place aux activités de marché.»
Derrière cette question de la liquidité du marché Repo, se cache aussi un débat politique. Pour certains analystes les banques sont plus réticentes à se séparer de leurs liquidités du fait du durcissement des règles de capitalisation à la suite de la crise de 2008. D’autre part, la Fed a aussi annoncé, tout en se défendant d’un retour au quantitative easing, des rachats de bons du Trésor à raison de 60 milliards par mois jusqu’au 2e trimestre 2020.
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