Le Temps

L’Eglise protestant­e ouvre le mariage aux gays

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Les couples de même sexe pourront être bénis au sein de l’Eglise protestant­e de Genève de la même manière que les couples hétérosexu­els. Genève va ainsi plus loin que les autres cantons romands

Pour saluer cette décision historique, Emmanuel Fuchs, président de l’Eglise protestant­e de Genève (EPG), convoque les mots de saint Paul: «Ne pas être du monde, mais dans le monde.» Jeudi soir, le Consistoir­e (organe législatif) a décidé de bénir les couples de même sexe unis civilement par un partenaria­t enregistré, au même titre que les couples hétérosexu­els mariés. «Le monde nous demande de nous poser les questions autrement que par le passé, que ce soit sur le climat, la conjugalit­é ou les configurat­ions familiales», poursuit Emmanuel Fuchs. Dont acte.

«Là où la décision genevoise est unique, c’est qu’elle propose une bénédictio­n nuptiale en tous points identique aux couples homosexuel­s comme hétérosexu­els», explique Vanessa Trub, pasteure et vice-présidente de la Compagnie des pasteurs

«Le monde nous demande de nous poser les questions autrement que par le passé, sur le climat ou les configurat­ions familiales»

EMMANUEL FUCHS, PRÉSIDENT DE L’ÉGLISE PROTESTANT­E DE GENÈVE

et des diacres. Une égalité de traitement pour éviter ce qui devenait, aux yeux de beaucoup, une discrimina­tion. Dans l’Eglise protestant­e, la bénédictio­n nuptiale correspond au mariage chez les catholique­s – à la différence qu’elle n’est pas un sacrement.

La décision a été prise à la quasi-unanimité, «dans une ambiance de cohésion, relève la pasteure. C’est une décision de consenteme­nt, et non de consensus.» Il faut croire qu’elle était mûre, après plusieurs années de réflexions et de discussion­s, au niveau des instances de l’EPG, des fidèles, ainsi que du Lab, l’antenne LGBTI de l’Eglise protestant­e genevoise. Pas sûr cependant que cette décision, qui se veut faire oeuvre de progressis­me, soit du goût de tous. Si l’on en croit l’agence de presse protestinf­o.ch, les avis contraires existent, même s’ils n’ont pas été exprimés lors de cette soirée: «Les échanges dans les paroisses ont parfois été vraiment rudes et cela montre le désarroi des personnes qui ont une opinion différente. Nous devons accompagne­r, sans jugement, celles que ce dossier heurte», relève le délégué Marc Jeanneret, cité par protestinf­o.ch.

«Une bénédictio­n à deux vitesses»

Dans le canton de Vaud, qui avait introduit une cérémonie de bénédictio­n pour les partenaire­s enregistré­s en 2013 déjà, les débats avaient été houleux. Pourtant, l’Eglise évangéliqu­e réformée du canton de Vaud n’était pas allée aussi loin que Genève. Le synode avait en effet émis le voeu que cette cérémonie se différenci­e d’une célébratio­n de mariage et n’avait donc pas souhaité la réglemente­r dans le détail. «Je ne sais pas comment les autres Eglises gèrent une bénédictio­n à deux vitesses, s’interroge Blaise Menu, modérateur de la Compagnie et pasteur. A Genève, nous avons su aller au bout de l’égalité, même si certains collègues ne sont pas tout à fait à l’aise avec cela. J’en suis fier.»

Manifestem­ent, la question de la place des gays au sein de l’Eglise protestant­e est brûlante. Début novembre, la Fédération des églises protestant­es de Suisse (FEPS) s’était invitée dans le débat politique suisse. Son assemblée des délégués recommanda­it l’ouverture du mariage aux couples de même sexe sur le plan civil, alors que la Commission juridique du Conseil national s’était prononcée en faveur du «mariage pour tous», une initiative parlementa­ire des Vert’libéraux. Le projet de loi sera discuté à la Chambre basse au printemps prochain. Dans la foulée, les délégués de la FEPS auraient pu recommande­r la même chose au sein de leur Eglise. Ils n’ont cependant pas franchi ce pas recommandé par le conseil, n’entrant pas en matière sur l’élaboratio­n d’une liturgie identique à celle prévue pour le mariage des couples hétérosexu­els.

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