GAINSBOURG L’HÉROÏQUE
Carré comme un vinyle, un imposant pavé dévoile les secrets de fabrication de la discographie d’un génie
«Les ailes de la Rolls effleuraient des pylônes, quand m’étant malgré moi égaré, nous arrivâmes ma Rolls et moi dans une zone dangereuse, un endroit isolé.» Ainsi démarre Histoire de Melody Nelson (1971), un des plus grands disques pop jamais enregistrés. En moins de trente minutes et sept chansons, Serge Gainsbourg y raconte, sur des arrangements incandescents de Jean-Claude Vannier, l’histoire d’une jeune fille qui, après avoir été renversée par la Rolls du narrateur, périra dans un accident d’avion.
Ce disque fulgurant a été enregistré en trois étapes distinctes sur une période de dix mois, apprend-on dans Le Gainsbook, une incroyable somme décortiquant chronologiquement la discographie du grand Serge. Lorsque est commenté le travail de Gainsbourg et Vannier dans un studio londonien, à travers notamment des documents et témoignages inédits, on a véritablement l’impression de plonger au coeur du processus créatif. Cinq ans plus tard, c’est dans le même studio de Stanhope House que sera élaboré le tout aussi phénoménal Homme à la tête de chou.
On découvre alors que Gainsbourg n’avait apporté que des embryons de mélodies, qu’il n’y avait rien de préconçu. Ce qui rend le résultat plus fascinant encore et valide l’aura de génie qui accompagne le chanteur.
SAVOIR S’ENTOURER
«Quand j’aurai cassé ma pipe, on analysera tout ça et on verra que c’est très structuré», affirmait le Français en 1979. C’est finalement vingt-huit ans après sa mort que cette citation, placée en ouverture du Gainsbook, prend tout son sens. C’est en effet véritablement la première fois que la manière dont il travaillait est scrutée en profondeur. Où l’on se rend compte alors que chez lui tout était le plus souvent pensé et calculé, même le fait de débarquer en studio avec de simples esquisses. Car le propre des génies est aussi de bien savoir s’entourer.