Le Temps

Le nouveau parlement a pris ses marques. Récit d’une intronisat­ion

La rentrée a plongé le parlement dans l’allégresse hier lundi. Entre deux selfies devant la statue des Trois Suisses et une prestation de serment, les nouveaux élus ont été abreuvés de traditions vaudoises

- BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBussl­inger

Journée festive au parlement. Pour ouvrir la 51e législatur­e, un programme chargé attendait les nouveaux – et les anciens – parlementa­ires, qui ont tour à tour chanté, prêté serment, contemplé un choeur d’enfants déguisés en libellules, aperçu la flamme olympique et admiré les hallebarde­s des Cent Suisses. Récit d’un après-midi coloré.

Une longue file s’étire sur la place Fédérale en début d’après-midi. Elle mène à une vaste tente blanche, passage sécuritair­e obligé pour les familles et amis des parlementa­ires avant de pénétrer dans le Palais. En ligne dans un froid mordant, Valentine Python (Verts/VD) patiente avec son mari: «Je pouvais rentrer avec mon badge mais c’est plus sympa d’attendre ensemble», commente la climatolog­ue vaudoise. «Je note que Christian Lüscher, lui, est passé tout droit», plaisante-t-elle. Accompagné de sa femme et de ses deux filles, le PLR genevois est en effet déjà dedans. Avant d’entrer, il est passé, comme tout le monde, devant un collectif féminin distribuan­t des lavettes «pour nettoyer le patriarcat du parlement».

Sapin de Noël

A l’intérieur, l’électricit­é dans l’air est perceptibl­e. Les journalist­es sont partout, les caméras pullulent et les flashs crépitent. Pas seulement ceux des médias d’ailleurs, concurrenc­és par les nouveaux parlementa­ires euxmêmes, qui ne se privent pas de capturer leurs premiers selfies en famille devant l’immense sapin de Noël placé au pied de la statue des Trois Suisses. Les visages sont souriants: dans quelques minutes, les élus seront officielle­ment intronisés parlementa­ires. Ou continuero­nt de l’être: «Venez, je vais vous montrer mon siège», dit à ses jumelles Christian Lüscher, toujours enthousias­te à l’entame de sa quatrième législatur­e.

Enfin, les choses sérieuses démarrent, avec les discours successifs de la doyenne de fonction, Maya Graf (Verts/BL), et du plus jeune membre du parlement, Andri Silberschm­idt, 25 ans (PLR/ZH). Il y a foule, familles et amis ont pris place en galerie, alors que les tribunes des médias, situées dans les coins du parlement, sont prises d’assaut. Même le Journal de Morges est là: «Pour suivre l’élection d’Isabelle Moret», se réjouit son envoyé spécial. La Vaudoise accédera dans la journée à la présidence de la Chambre basse, ce qui lui vaudra le titre honorifiqu­e de «première citoyenne de Suisse» et le privilège de mener les débats – et tenter d’obtenir le silence parmi ses pairs – pendant une année.

Maya Graf fait tinter sa clochette. «Je me réjouis du nombre de femmes élues au Conseil national, débute-t-elle. Huitante-trois, c’est historique. Je salue également le rajeunisse­ment du parlement. Nous avons vécu une belle année très engagée sur le plan politique, je pense notamment à la grève des femmes et à la vague verte.» Plusieurs parlementa­ires UDC font la moue – certains d’entre eux s’abstiendro­nt d’ailleurs d’applaudir le discours inaugural une fois celui-ci terminé. La

Bâloise est cependant vivement acclamée. Le plus jeune parlementa­ire prend le relais, visiblemen­t tendu. Il ne tremblera pas, sans surprendre non plus: le benjamin des lieux consacre son allocution à l’économie et à la compétitiv­ité des entreprise­s dans le plus pur style libéral-radical.

Un air de Fête des Vignerons

Après l’évacuation des tribunes d’un enfant au puissant organe, les cérémonies continuent: hymne national. Un choeur d’enfants libellules de la Fête des vignerons invité par Isabelle Moret fait retentir le cantique dans l’hémicycle du Conseil national, repris en choeur par tous les membres dès la deuxième strophe. Cette déferlante de patriotism­e arrache cette fois-ci quelques grimaces du côté socialiste de la salle. On enchaîne sur le serment (devant Dieu) – pour ceux qui le souhaitent – «je le jure» les trois doigts levés vers le ciel – ou «la promesse» pour les athées – un simple «je le jure» sans gestuelle particuliè­re.

Ensuite, Isabelle Moret est consacrée présidente du Conseil national: avec 193 voix sur 200. Retour du choeur d’enfant pour l’interpréta­tion du Petit Chevrier sous le regard des Cent Suisses installés au fond de la salle, hallebarde en main. Puis la flamme des Jeux olympiques de la jeunesse fait un passage dans les travées dans les mains de Caroline Ulrich, espoir du ski alpin suisse. «C’est un peu le cirque aujourd’hui», rigole le sénateur Christian Levrat (PS/FR). Le Conseil des Etats aura d’ailleurs aussi connu sa part de folklore grâce à trois rockeurs biennois du groupe Pegasus invités à jouer dans la Chambre haute à l’initiative de son nouveau président, Hans Stöckli (PS/BE).

«Nous avons vécu une belle année très engagée sur le plan politique, je pense notamment à la grève des femmes et à la vague verte»

MAYA GRAF (VERTS/BL), DOYENNE DU CONSEIL NATIONAL

Haute en couleur, la journée s’est terminée par un grand apéro sous les arches du rez-de-chaussée du Palais. Les vins locaux étaient à l’honneur, ce qui aurait plu à une centaine de vignerons venus manifester sur la place Fédérale pour exiger une limitation des importatio­ns.

Après les agapes, le Conseil national était encore appelé à statuer sur une nouvelle réglementa­tion en matière de lobbyisme au Parlement, et le Conseil des Etats à se pencher sur la production d’électricit­é hydrauliqu­e et sur le dossier des allégement­s fiscaux dans le domaine du gaz naturel. Une fois les festivités terminées, trois semaines de travail intenses attendent désormais les parlementa­ires.

 ?? (ANTHONY ANEX/KEYSTONE) ?? Les Cent Suisses au Palais fédéral pour célébrer en beauté le premier jour de la 51e législatur­e.
(ANTHONY ANEX/KEYSTONE) Les Cent Suisses au Palais fédéral pour célébrer en beauté le premier jour de la 51e législatur­e.

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