Le nouveau parlement a pris ses marques. Récit d’une intronisation
La rentrée a plongé le parlement dans l’allégresse hier lundi. Entre deux selfies devant la statue des Trois Suisses et une prestation de serment, les nouveaux élus ont été abreuvés de traditions vaudoises
Journée festive au parlement. Pour ouvrir la 51e législature, un programme chargé attendait les nouveaux – et les anciens – parlementaires, qui ont tour à tour chanté, prêté serment, contemplé un choeur d’enfants déguisés en libellules, aperçu la flamme olympique et admiré les hallebardes des Cent Suisses. Récit d’un après-midi coloré.
Une longue file s’étire sur la place Fédérale en début d’après-midi. Elle mène à une vaste tente blanche, passage sécuritaire obligé pour les familles et amis des parlementaires avant de pénétrer dans le Palais. En ligne dans un froid mordant, Valentine Python (Verts/VD) patiente avec son mari: «Je pouvais rentrer avec mon badge mais c’est plus sympa d’attendre ensemble», commente la climatologue vaudoise. «Je note que Christian Lüscher, lui, est passé tout droit», plaisante-t-elle. Accompagné de sa femme et de ses deux filles, le PLR genevois est en effet déjà dedans. Avant d’entrer, il est passé, comme tout le monde, devant un collectif féminin distribuant des lavettes «pour nettoyer le patriarcat du parlement».
Sapin de Noël
A l’intérieur, l’électricité dans l’air est perceptible. Les journalistes sont partout, les caméras pullulent et les flashs crépitent. Pas seulement ceux des médias d’ailleurs, concurrencés par les nouveaux parlementaires euxmêmes, qui ne se privent pas de capturer leurs premiers selfies en famille devant l’immense sapin de Noël placé au pied de la statue des Trois Suisses. Les visages sont souriants: dans quelques minutes, les élus seront officiellement intronisés parlementaires. Ou continueront de l’être: «Venez, je vais vous montrer mon siège», dit à ses jumelles Christian Lüscher, toujours enthousiaste à l’entame de sa quatrième législature.
Enfin, les choses sérieuses démarrent, avec les discours successifs de la doyenne de fonction, Maya Graf (Verts/BL), et du plus jeune membre du parlement, Andri Silberschmidt, 25 ans (PLR/ZH). Il y a foule, familles et amis ont pris place en galerie, alors que les tribunes des médias, situées dans les coins du parlement, sont prises d’assaut. Même le Journal de Morges est là: «Pour suivre l’élection d’Isabelle Moret», se réjouit son envoyé spécial. La Vaudoise accédera dans la journée à la présidence de la Chambre basse, ce qui lui vaudra le titre honorifique de «première citoyenne de Suisse» et le privilège de mener les débats – et tenter d’obtenir le silence parmi ses pairs – pendant une année.
Maya Graf fait tinter sa clochette. «Je me réjouis du nombre de femmes élues au Conseil national, débute-t-elle. Huitante-trois, c’est historique. Je salue également le rajeunissement du parlement. Nous avons vécu une belle année très engagée sur le plan politique, je pense notamment à la grève des femmes et à la vague verte.» Plusieurs parlementaires UDC font la moue – certains d’entre eux s’abstiendront d’ailleurs d’applaudir le discours inaugural une fois celui-ci terminé. La
Bâloise est cependant vivement acclamée. Le plus jeune parlementaire prend le relais, visiblement tendu. Il ne tremblera pas, sans surprendre non plus: le benjamin des lieux consacre son allocution à l’économie et à la compétitivité des entreprises dans le plus pur style libéral-radical.
Un air de Fête des Vignerons
Après l’évacuation des tribunes d’un enfant au puissant organe, les cérémonies continuent: hymne national. Un choeur d’enfants libellules de la Fête des vignerons invité par Isabelle Moret fait retentir le cantique dans l’hémicycle du Conseil national, repris en choeur par tous les membres dès la deuxième strophe. Cette déferlante de patriotisme arrache cette fois-ci quelques grimaces du côté socialiste de la salle. On enchaîne sur le serment (devant Dieu) – pour ceux qui le souhaitent – «je le jure» les trois doigts levés vers le ciel – ou «la promesse» pour les athées – un simple «je le jure» sans gestuelle particulière.
Ensuite, Isabelle Moret est consacrée présidente du Conseil national: avec 193 voix sur 200. Retour du choeur d’enfant pour l’interprétation du Petit Chevrier sous le regard des Cent Suisses installés au fond de la salle, hallebarde en main. Puis la flamme des Jeux olympiques de la jeunesse fait un passage dans les travées dans les mains de Caroline Ulrich, espoir du ski alpin suisse. «C’est un peu le cirque aujourd’hui», rigole le sénateur Christian Levrat (PS/FR). Le Conseil des Etats aura d’ailleurs aussi connu sa part de folklore grâce à trois rockeurs biennois du groupe Pegasus invités à jouer dans la Chambre haute à l’initiative de son nouveau président, Hans Stöckli (PS/BE).
«Nous avons vécu une belle année très engagée sur le plan politique, je pense notamment à la grève des femmes et à la vague verte»
MAYA GRAF (VERTS/BL), DOYENNE DU CONSEIL NATIONAL
Haute en couleur, la journée s’est terminée par un grand apéro sous les arches du rez-de-chaussée du Palais. Les vins locaux étaient à l’honneur, ce qui aurait plu à une centaine de vignerons venus manifester sur la place Fédérale pour exiger une limitation des importations.
Après les agapes, le Conseil national était encore appelé à statuer sur une nouvelle réglementation en matière de lobbyisme au Parlement, et le Conseil des Etats à se pencher sur la production d’électricité hydraulique et sur le dossier des allégements fiscaux dans le domaine du gaz naturel. Une fois les festivités terminées, trois semaines de travail intenses attendent désormais les parlementaires.