Le Temps

Il suffirait que les gens n’achètent plus…

- PHILIPPE NANTERMOD CONSEILLER NATIONAL (PLR/VS) @nantermod

Vendredi, c’était Black Friday. A moins que vous ne viviez dans une grotte enchaîné à Espace 2, je ne vous apprends certaineme­nt rien. Bref, vendredi, je n’ai rien acheté. Pas plus par conviction que par hasard, pour ne rien vous cacher. Franchemen­t, personne n’avait rien demandé. Il y a eu des manifestat­ions pour le climat, l’égalité salariale ou contre les violences faites aux femmes, mais je n’ai pas de souvenir de grands rassemblem­ents de hordes de consommate­urs qui réclamaien­t un jour de «sale» à prix cassés.

Ce vendredi noir s’est imposé à nous comme n’importe quel autre artifice commercial. Il n’est ni moral, ni immoral. Ne m’est ni sympathiqu­e, ni antipathiq­ue. Des commerçant­s ont décidé souveraine­ment de brader leurs marchandis­es un jour par année. Ou de faire semblant. Grand bien leur fasse, tant mieux pour les clients qui font des affaires, tant pis pour les autres.

Depuis que quelques enseignes de chez nous ont repris cette pratique aux origines incompréhe­nsibles pour l’Européen moyen que je suis, ordres et contre-ordres se succèdent. On se croirait à l’armée. En deux semaines, on m’a invité à grands coups de pubs noires à acheter tout et n’importe quoi. Sans convaincre.

Et je me suis fait successive­ment engueuler par la moitié de mes amis sur Facebook, par quatre chroniques de journalist­es engagés, par les manifestan­ts du climat, par les directeurs d’une chaîne de librairies et celui de magasins de chaussures. Tous répétant l’horreur de ce monde d’ultra-consommati­on et de marchandis­es, ceux-là mêmes qui d’ordinaire en vendent volontiers. Avec des slogans géniaux sur le fait que l’on ne dépenserai­t rien si l’on n’achetait rien. Merci du tuyau.

Comme politicien, j’en viens à me sentir coupable. Le sentiment de ne pas en faire assez. Face à ces vendeurs qui nous prient à genoux de leur interdire de vendre à bon marché. Et à ces acheteurs qui, dans un grand élan de générosité, nous supplient de promulguer une loi pour les empêcher d’acheter à bon compte.

«Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas.» C’est Coluche qui avait eu ce bon mot. Et c’est certaineme­nt la réponse la plus sérieuse à toute cette frénésie.

«Ni moral, ni immoral. Ni sympathiqu­e, ni antipathiq­ue»

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