L’Afrique, une chance pour le monde
La deuxième édition de l’Africa Investment Forum organisé le mois dernier par la Banque africaine de développement (BAD) en Afrique du Sud fut un franc succès. Des investisseurs ont signalé leur intérêt pour 40 projets évalués à 40,1 milliards de dollars, dans 25 pays. Exemples: un métro léger pour décongestionner Accra, la capitale ghanéenne, ou encore un pont pour relier Kinshasa et Brazzaville, deux villes soeurs séparées par le fleuve Congo.
L’avenir nous dira si les investissements se concrétiseront. Mais une chose est manifeste: l’engouement des capitaux pour l’Afrique est bien là. Le continent a même échappé au déclin mondial en matière d’investissements en 2018: le flux, toutes sources confondues, a atteint 46 milliards de dollars, plus 11% par rapport à l’année précédente.
Perspectives économiques prometteuses
Une fois n’est pas coutume, à Johannesburg, les participants – entrepreneurs et bailleurs de fonds, mais aussi décideurs politiques et économiques – n’ont pas épilogué sur la pauvreté en Afrique ou sur la coopération. «Nous invitons les investisseurs à identifier des projets et à miser sur les grands potentiels qu’offre le continent», avait lancé le président de la BAD, Akinwumi A. Adesina, en ouverture de la conférence.
Les perspectives économiques africaines sont prometteuses. Alors que le taux de croissance mondiale était de 3,5% en 2018, pas moins de 20 pays africains ont atteint plus de 5%. Sur dix Etats qui ont le mieux performé, six sont africains: Ethiopie, Côte d’Ivoire, Mozambique, Tanzanie, République démocratique du Congo et Rwanda.
Autre atout et pas des moindres: la population africaine croît. De 1,19 milliard en 2015 à 4,3 milliards à l’horizon 2100, il y a de quoi faire saliver les fournisseurs de biens et services. Alors que la population vieillit dans la plupart des régions du monde, le consommateur africain, dont le revenu a progressé d’environ 50% en moyenne depuis 2000, constitue un attrait de premier ordre. Rien que les milliards de bouches à nourrir devraient donner un essor à l’agriculture et à l’agroalimentaire. Le continent qui compte 70% des terres arables non cultivées dans le monde peut potentiellement nourrir toute la planète.
Des milliards de bouches à nourrir
Le plus grand atout reste tout de même le sous-sol du continent, qui regorge de matières premières allant du pétrole et du gaz à l’or et l’uranium, en passant par le cobalt et le zinc.
Dans tous les cas, les perspectives pour une industrie de la transformation des matières premières agricoles et minières sont énormes. Les dirigeants africains l’ont compris et tentent de lui donner une impulsion, sachant que l’Europe, les Etats-Unis, le Japon ou encore la Chine ont émergé avec l’industrialisation de leur économie. L’Afrique a raté ce train-là, mais, de toute évidence, elle se positionne pour monter à bord. Des usines de textiles, de chaussures, mais aussi de téléphones portables et d’automobiles s’installent graduellement dans le continent.
Les investisseurs internationaux bouderaient le continent si des progrès significatifs n’étaient pas réalisés en matière de gouvernance, de lutte contre la corruption, de sécurité et de stabilité politique. La bonne nouvelle est que, malgré des nuages qui subsistent, cette transformation a aussi lieu.
Le continent s’ouvre à toutes les convoitises
Les investisseurs n’ignorent pas les opportunités illimitées et juteuses et qui vont encore croître avec la concrétisation, dès juillet prochain, du marché unique africain. Alors que d’autres régions du monde freinent le mouvement des capitaux, le continent s’ouvre à toutes les convoitises. Mais attention, il n’est toutefois pas un gâteau à partager en tranches entre puissances américaines, européennes, japonaises, indiennes et chinoises. Comme ce fut le cas à la Conférence de Berlin de 1881 lorsque les pouvoirs coloniaux s’étaient réparti le continent.
Dans les mots de Hilary Nwokeabia, économiste à la Cnuced et auteur du livre Why Industrial Revolution Missed Africa? (2001), il appartient au continent d’identifier ses priorités et de canaliser les investissements dans les domaines prioritaires. «Tout aussi important, dit-il, les investisseurs doivent tirer les leçons du passé, tenir compte des traditions locales et des connaissances modernes en matière de conservation de l’environnement et d’équité et, in fine, créer un modèle de développement durable, non seulement africain, mais planétaire.»
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