Le Temps

«Les échanges de jetons numériques sont facilités»

INNOVATION Les entreprise­s qui veulent émettre des actions sous forme de jetons numériques pourront les inscrire dans un registre qui aura force de loi. C’est l’objectif d’un projet du Conseil fédéral, qui veut adapter le cadre réglementa­ire à la blockcha

- PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Le droit se met à jour, pour suivre les innovation­s technologi­ques. Le Conseil fédéral veut adapter le cadre réglementa­ire à la blockchain et aux autres technologi­es de registres décentrali­sés. Un projet de loi dévoilé le 27 novembre prévoit de faciliter les échanges d'actions ou d'obligation­s numérisées sous forme de jetons. Ce texte élaboré avec un panel d'experts uniquement alémanique­s, sur lequel le parlement devrait se prononcer début 2020, veut créer un nouvel outil, le droit-valeur inscrit. Les explicatio­ns de Leandro Lepori et Adrien Tharin, avocats spécialisé­s dans les nouvelles technologi­es chez PwC à Genève.

Qu’est-ce qu’un droit-valeur inscrit, le nouvel instrument que souhaite créer le Conseil fédéral, et à quoi peut-il servir?

Adrien Tharin: Il correspond à ce que nous connaisson­s aujourd'hui comme des jetons numériques (tokens). Ce nouveau titre pourra représente­r un titre de créance (comme une action ou une obligation) inscrit sur un registre de type décentrali­sé (blockchain). Il est déjà possible d'échanger des jetons numériques qui incorporen­t certains droits, mais pour que le transfert de propriété soit pleinement reconnu, le droit existant impose en principe de recourir à la forme écrite, c'est-àdire un véritable contrat. Or, en pratique, lors d'un échange de jetons numériques, les parties ne passent pas de convention écrite – ce serait par ailleurs contradict­oire avec l'ambition de dématérial­isation de cette nouvelle technologi­e.

Et alors? Leandro Lepori: Cela peut ouvrir la porte à des contestati­ons, puisque faute de respecter l'exigence de forme, le transfert ne sera pas juridiquem­ent reconnu. L'instaurati­on d'une nouvelle catégorie de droits-valeurs doit mettre fin à la contradict­ion qui existe entre, d'une part, la facilité à échanger un jeton numérique et, d'autre part, des exigences de forme d'un autre temps.

Comment fonctionne­ra le futur système proposé par le Conseil fédéral? Leandro Lepori: Les entreprise­s qui souhaitent émettre des actions ou des obligation­s sous forme numérique pourront le faire en inscrivant ces titres dans un registre décentrali­sé. En cas de transfert, il ne sera plus indispensa­ble de démontrer qu'un accord a été conclu en la forme écrite. Grâce à la blockchain, le fait d'envoyer un jeton de ce type garantira que sa propriété aura elle aussi été transférée.

Ces registres seront-ils accessible­s au public ou réservés aux investisse­urs? Adrien Tharin: Il appartiend­ra à l'entreprise elle-même de décider, les registres décentrali­sés pouvant être complèteme­nt ouverts ou réservés à certains usagers seulement. De manière plus générale, le Conseil fédéral n'a pas voulu se montrer restrictif quant aux choix technologi­ques, ni créer un cadre réglementa­ire trop rigide qui pourrait se révéler obsolète avant même d'entrer en vigueur, vu la vitesse à laquelle évolue la technologi­e. C'est aussi pour cette raison que le gouverneme­nt fédéral n'a pas souhaité créer une loi spéciale traitant des technologi­es de registres distribués mais adapter des lois existantes.

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LEANDRO LEPORI AVOCAT SPÉCIALISÉ DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGI­ES CHEZ PWC À GENÈVE
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ADRIEN THARIN AVOCAT SPÉCIALISÉ DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGI­ES CHEZ PWC À GENÈVE

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