Le Temps

Pourquoi la Champions League ne fait pas patinoire pleine

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Trois clubs suisses disputent dès ce mardi les quarts de finale d’une compétitio­n continenta­le qui attire beaucoup moins de spectateur­s que le championna­t national. Le Suédois Szymon Szemberg, qui a participé à la genèse du projet, explique pourquoi

La Suisse sera représenté­e par trois clubs en quarts de finale de la Champions Hockey League (CHL), et pourtant le pays peine à s’intéresser à cette compétitio­n continenta­le née dans sa forme (plus ou moins) actuelle en 2014. Les affluences enregistré­es jusqu’ici par le HC Bienne, l’EV Zoug et le Lausanne HC restent loin de leurs standards en National League. Le club vaudois a par exemple franchi le cap des huitièmes de finale devant 3239 spectateur­s, contre 8293 de moyenne en championna­t, tandis que le CP Berne a été éliminé au même stade de la compétitio­n devant 4019 personnes, contre 16090 de moyenne en championna­t.

Le phénomène n’est pas propre à la Suisse. Dans les autres pays européens à forte tradition hockey, les supporters privilégie­nt aussi les compétitio­ns nationales. Mais pourquoi donc? Le Suédois Szymon Szemberg a beaucoup réfléchi à la problémati­que: avant de diriger l’Alliance des clubs européens de hockey, il a participé à la genèse de cette Ligue des champions sur glace qui, estime-t-il, a besoin de temps pour s’installer dans le coeur (et l’agenda) des fans. Et ce, pour au moins cinq raisons, qu’il détaille pour Le Temps.

1•UN MANQUE DE STABILITÉ

«Il faut un peu de patience pour que les supporters adoptent une nouvelle compétitio­n. Or, ces dernières années, le hockey sur glace a très souvent réinventé la roue. Il y a eu quatre éditions de la Coupe d’Europe des clubs champions, organisées sur quelques jours consécutif­s à Saint-Pétersbour­g, puis une première version de la Ligue des champions en 2009, et enfin le nouveau format mis en place depuis 2014. Depuis, le produit n’a cessé de s’améliorer. Il se développe à tous les niveaux et tant les clubs que les supporters ou les médias l’apprécient de plus en plus. Il faut un peu de temps et de stabilité. En football, la Ligue des champions n’est pas devenue ce qu’elle est d’un seul coup; l’histoire a débuté en 1955!»

2•UN CALENDRIER (TROP) CHARGÉ

«Dans la plupart des discipline­s où existent des compétitio­ns européenne­s, la dynamique est la même: les matchs du championna­t national le week-end, les rencontres continenta­les durant la semaine pour les équipes qui ont la chance d’y participer. En hockey sur glace, c’est plus difficile à mettre en place car les saisons sont déjà extrêmemen­t chargées. En Suisse, la saison régulière est longue de 50 matchs. En Finlande, c’est 60. A un moment donné, les fans doivent choisir: ils n’ont pas forcément le temps ou l’argent nécessaire pour être toujours au rendez-vous. Les rencontres de Champions League, de leur point de vue, peuvent être celles de trop.»

3•L’ABSENCE DES ÉQUIPES RUSSES

«Quand les ZSC Lions ont remporté la Ligue des champions dans sa première version, lors de la saison 20082009, ils ont battu en finale le Metallurg Magnitogor­sk, qui venait de KHL. On pouvait alors vraiment dire qu’ils étaient la meilleure équipe d’Europe. Maintenant, sans les Russes, c’est forcément différent. D’autant qu’il y a des formations mythiques comme le CSKA Moscou ou le SKA Saint-Pétersbour­g qui, j’en suis sûr, attireraie­nt du monde dans les patinoires s’ils venaient défier le Lausanne HC ou le CP Berne. Ce sont des noms qui font tilt pour tous les fans de hockey sur glace.»

4•LES VRAIES STARS JOUENT EN NHL

«C’est une autre des grandes forces de la Ligue des champions de football: elle réunit, quasiment sans exception, toutes les plus grandes stars de la discipline. En hockey sur glace, c’est loin d’être le cas: les meilleurs jouent outre-Atlantique. Cette année, il y a plus de 90 Suédois en NHL… Et c’est aussi là qu’on trouve les meilleurs Finlandais, les meilleurs Tchèques, les meilleurs Suisses. Mais ce n’est malheureus­ement pas un problème qu’il est possible de résoudre.»

5•DES ÉQUIPES MÉCONNUES

«Le Lulea HF, qui se déplace ce mardi à Lausanne, est une excellente équipe suédoise, mais combien de ses joueurs les supporters vaudois peuvent-ils citer? A mon avis, pas beaucoup, sinon aucun. Or, pour détester gentiment l’adversaire comme les fans aiment le faire, il faut le connaître, sinon c’est moins drôle. Je pense que cet aspect joue un rôle mais il n’est toutefois pas le plus important, et un exemple récent permet de le démontrer: samedi dernier, les équipes de Färjestad et Frölunda se sont affrontées en championna­t de Suède à guichets fermés, devant plus de 8000 spectateur­s. Il y en avait deux fois moins lors de leur rencontre en huitièmes de finale de la Champions Hockey League peu auparavant… Cela montre bien qu’à l’heure actuelle le championna­t national reste plus important aux yeux des supporters que la compétitio­n européenne.»

Agenda:

En quarts de finale de la Champions Hockey League ce mardi, le HC Bienne affronte les Frölunda Indians en Suède et l’EV Zoug le Mountfield HK en République tchèque à 18h, tandis que le Lausanne HC accueille les Suédois de Lulea à 20h15.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland