La «Big House» de Michigan ne désemplit pas
FOOTBALL AMÉRICAIN Depuis 1975, l’équipe universitaire des Wolverines de Michigan a joué 293 matchs consécutifs à domicile devant plus de 100 000 spectateurs. Dans le Midwest, le football américain est une religion
L’équipe de football américain de l’Université du Michigan a perdu samedi 30 novembre contre sa rivale d’Ohio State, 56-27, pour le compte de la saison régulière NCAA. Pour les non-initiés, une statistique est à retenir particulièrement: 112701 spectateurs ont assisté à la rencontre, la plupart vêtus de jaune et bleu, les couleurs des Wolverines. Inimaginable dans la conception européenne du sport et de l’université, cette affluence est très ordinaire à Ann Arbor. Il s’agissait ce 30 novembre du 293e match consécutif au Michigan Stadium joué devant plus de 100000 personnes.
La série, en cours, remonte à 1975. Pourtant, Ann Arbor, petite ville située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Detroit, ne compte au dernier recensement que 121890 habitants, un peu moins que Lausanne ou Berne. Un tiers environ de ces habitants sont des étudiants vivant sur le campus de l’Université du Michigan. Le stade, érigé en 1927 dans le plus pur style de l’époque – un vaste ovale évasé ouvert aux quatre vents – est le plus grand des Etats-Unis et le deuxième plus grand au monde. A titre de comparaison, le plus grand stade de la National Football League (NFL), le MetLife Stadium à East Rutherford (New Jersey), qui accueille les franchises newyorkaises des Giants et des Jets, ne compte que 82500 places.
Pour le soccer et le hockey aussi
Surnommé «the Big House», le Michigan Stadium en recense 107601 mais dépasse souvent sa jauge officielle, ce qui lui permet de posséder les records du plus grand nombre de spectateurs pour un match de football américain (115109 spectateurs en 2013) et de la plus forte moyenne de spectateurs (112252 par match durant la saison 2012). Le stade détient également trois des quatre plus fortes affluences des Etats-Unis pour du football (soccer), avec notamment 109314 spectateurs présents en août 2014 pour un match amical Real Madrid-Manchester United. En hockey sur glace, 113411 spectateurs ont entouré en 2010 une patinoire posée sur la pelouse pour un match de hockey universitaire entre les Wolverines et les Spartans.
Comment expliquer que l’affluence du Michigan Stadium surpasse régulièrement depuis quarante-cinq ans la population de la ville et triple celle du campus? La «Big House» est vétuste, froide l’hiver et ne possède rien de ce qui constitue selon les standards modernes la «fan experience». On pourrait imaginer le comté de Washtenaw comme un patelin perdu où il n’y a rien d’autre à faire le samedi soir que d’aller voir les «Maize and Blue» (jaune maïs et bleu). C’est tout le contraire. Detroit Metropole agglomère cinq millions d’habitants, six équipes professionnelles, quatre franchises dans les quatre grandes ligues majeures et cinq programmes universitaires.
Au niveau universitaire, les Wolverines sont particulièrement concurrencés par leurs rivaux des
Spartans de Michigan State et les voisins d’Ohio State. Le match contre les Buckeyes (marronniers) de l’Ohio est surnommé «The Game» et figure parmi les plus grandes rivalités du sport nord-américain. Michigan a construit sa popularité dans ces oppositions, accumulant en 133 ans d’histoire un palmarès envié: 11 titres nationaux et 42 victoires dans le Big Ten (la ligue des universités historiques du Midwest). L’équipe de NFL des Lions de Detroit, qui n’a rien remporté de probant depuis vingt-cinq ans et dont le dernier titre date des années 1950, ne fait pas le poids.
«Le plus grand choeur d’Amérique»
Au niveau NCAA, l’Université Notre-Dame (Indiana) est la seule à être populaire dans tout le pays. Le creuset de Michigan reste le Midwest, l’un des bastions du football universitaire avec le Sud profond. «Lorsque vous grandissez ici, vous êtes bleu [Michigan] ou vert [Michigan State] dès le berceau», observe Mark Dantonio, le coach (texan) de Michigan State depuis 12 saisons. On y aime cette ambiance plus jeune et permissive qu’en NFL, avec le cérémonial du tailgating (barbecue sur le parking) des heures avant le match. «J’ai aimé jouer en NFL, et j’y ai de grands souvenirs, mais rien de comparable à la culture du football à Michigan», avoua Jake Long, premier choix des Dolphins de Miami en 2008, après sa retraite en 2016.
Cette culture, un samedi sur deux à la «Big House», consiste à s’habiller en jaune et bleu et à chanter
Hail to the Victors, une marche considérée comme la meilleure
fight song (hymne sportif ) des campus américains. «Quand 100000 personnes se lèvent spontanément et le reprennent sans que cela leur soit demandé, c’est le plus grand choeur d’Amérique, s’enflamme le journaliste John Bacon au New
Yorker en 2016. Ce n’est pas un business, mais une religion.»
L’affluence du stade surpasse régulièrement depuis quarante-cinq ans la population de la ville