OTAN, au sommet des divergences
Le président américain a adressé d’emblée une fin de non-recevoir à son homologue français au sommet de l’OTAN. Les 29 pays membres seront réunis ce mercredi à Londres
La leçon d'Emmanuel Macron sur la «mort cérébrale de l'OTAN» a fait long feu. Dès les premières rencontres bilatérales entre chefs d'Etat ou de gouvernement des pays membres de l'Alliance atlantique mardi à Londres, les exhortations du président français à réformer le fonctionnement de la plus puissante coalition militaire du monde ont été écartées. Sans surprise, le premier à mettre son veto à toute réforme a été le chef de l'Etat américain, Donald Trump, celui-là même qui qualifiait en 2018 l'OTAN «d'obsolète», et dénonçait le fardeau budgétaire payé par son pays pour la sécurité de l'Europe. C'est un jugement «très, très méchant à l'adresse de 28 pays», a asséné Donald Trump aux côtés du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg. Avant de signifier à son homologue français, lors d'une rencontre à la résidence de l'ambassadeur des Etats-Unis, que personne «n'a besoin de l'OTAN plus que la France» et qu'Emmanuel Macron lui-même a besoin de «protection».
Provoquer le débat
La volonté de Paris était de provoquer un débat sur la manière dont l'Alliance fonctionne, notamment pour empêcher de nouvelles initiatives isolées du président turc, Recep Tayyip Erdogan, que Boris Johnson, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont reçu en fin d'après-midi au 10 Downing Street. Mais il est très peu probable que ce débat ait lieu ce mercredi, durant les trois heures de sommet destinées à célébrer le 70e anniversaire de l'Alliance, avec des prises de parole limitées à trois minutes. «Plus la France hausse le ton, plus elle s'isole. Macron n'est pas de Gaulle et le maintien de son pays dans le commandement intégré – que son prédécesseur Nicolas Sarkozy avait rejoint en 2008 – démontre qu'il n'a pas d'alternative», jugeait hier un diplomate européen. Preuve que la France, engagée au Sahel où elle vient de perdre 13 soldats, n'a pas aujourd'hui les moyens de poursuivre son forcing, le locataire de l'Elysée a aussi admis, après la rencontre avec le président turc, que «toutes les ambiguïtés n'ont pas été levées sur l'attitude d'Ankara» au Kurdistan syrien. Juste avant, Donald Trump l'avait de nouveau brusqué, lui demandant s'il était prêt à reprendre les anciens combattants de l'Etat islamique aujourd'hui détenus dans le nord de la Syrie. Sans obtenir de réponse claire.
Trump satisfait?
Pour Donald Trump, ce sommet s'annonce comme celui des satisfactions. A part la France, aucun pays de l'OTAN n'a mis en cause les Etats-Unis, qui continuent d'exiger l'augmentation des dépenses militaires européennes et d'inciter leurs alliés à acheter du matériel militaire américain. Mieux: le locataire de la Maison-Blanche, mis en cause pour les liens de son équipe avec la Russie durant sa campagne électorale et actuellement sous le coup d'une procédure d'impeachment au sujet de ses pressions sur l'Ukraine, a réussi à faire passer ces nuages au second plan. Vladimir Poutine ayant jugé mardi depuis Moscou «pas correct voire grossier» le comportement de l'OTAN à l'égard de Moscou, les pays de l'Alliance les plus obsédés par la menace russe serrent les rangs avec Washington. Et ce, au moment où la France, encore elle, entend reprendre le dialogue avec le Kremlin…
La méthode du «parrain» employée par le président américain fonctionne. Arrivé à Londres lundi soir, après avoir menacé d'imposer des tarifs douaniers allant jusqu'à 100% sur des produits français comme le fromage, le champagne, les cosmétiques et les produits de luxe, en riposte à la taxe française imposée aux géants d'internet, Donald Trump continue de vouloir passer en force. Avec, face à lui, un Emmanuel Macron désireux de résister. Mais terriblement seul. Les accolades du G7 de Biarritz, en août, appartiennent au passé.
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