Le Temps

Libérez les épaules… et les enfants!

- MARIE-PIERRE GENECAND

Amoins que vous ne les haussiez, dans un geste aussi incisif qu’insolent, jamais les épaules ne doivent être levées ou verrouillé­es. Voici une des lois que j’ai réapprises en lisant l’excellent manuel d’Olivier Girard, Plein le dos! C’est que les muscles du trapèze supérieur, ceux qui régulent les épaules et la nuque, sont des muscles de travail, vifs, mais fragiles, alors que les muscles du trapèze médian et inférieur, ainsi que les grands dorsaux, sont des muscles de posture, lents, mais solides, auxquels on peut demander tous les efforts de maintien et de portage.

Ce n’est pas compliqué: chaque fois, dans la journée, que vous sentez que vos épaules sont crispées vers le haut, vous les abaissez et vous les détendez, en les bougeant gentiment. Quand il fait froid, quand le stress monte ou quand quelqu’un vous contrarie, bing, les épaules se hissent, c’est fatal. De fait, c’est fatal à votre santé, car, du coup (ou plutôt, du cou!), la nuque se contracte et vous risquez le pire en matière de froissemen­ts, lésions, migraines, etc.

Ce qui est vrai pour les épaules l’est aussi pour les enfants. En parlant récemment avec un enseignant spécialisé, qui travaille à l’intégratio­n dans le système scolaire classique d’élèves ayant des handicaps, j’ai repensé à l’interview d’une pédagogue assurant que les enfants ne se développen­t jamais aussi bien que lorsqu’ils jouent entre eux, librement, sans règles édictées, ni contrôlées par les adultes.

Pourquoi? Parce que le jeu spontané, dit la pédagogue Raymonde Caffari-Viallon, permet à l’enfant «de se construire, d’affirmer sa personnali­té et de maîtriser la réalité en éprouvant des situations modèles qui l’accompagne­ront toute sa vie. Par ailleurs, il restaure l’équilibre émotionnel et psychologi­que que les événements de la vie quotidienn­e peuvent ébranler. En fait, il n’y a pas un seul aspect du développem­ent que le jeu libre ne serve.»

Epaules et enfants, vous voyez le lien? Dans les deux cas, il s’agit de lâcher. D’arrêter de penser qu’il faut être à fond et sur tous les fronts pour que les choses se passent bien. Dans les deux cas, le moins (de tension et d’interventi­on) fait le mieux. C’est troublant, car toute notre éducation est basée sur l’effort, l’investisse­ment, l’action. Plus on fait, mieux c’est, non? Eh bien non. La surchauffe, ce n’est pas du tout 2020. L’an prochain, on sera cool. Conséquent, efficace, mais sans surmoi qui fracasse.

Un peu plus humble aussi. Libérez-vous! Le monde s’en portera mieux autour de vous.

«L’an prochain, on sera cool, efficace, mais sans surmoi qui fracasse»

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