Le DVD, pas complètement mort
La fermeture de la dernière enseigne de DVD cinéphile de Suisse romande illustre la baisse constante du disque dans la consommation audiovisuelle
En 2017 en Suisse, derniers chiffres disponibles, la consommation numérique de films a dépassé les ventes physiques, DVD et Bluray. Les ventes de disques ont accusé une «baisse sans précédent», selon l’Association suisse du vidéogramme, qui commande l’étude au cabinet GfK: -24,3%. En France, 2019 sera de nouveau une annus horribilis, indique un pointage du même GfK pour le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). A fin septembre, le marché physique s’est contracté de 12%, avec une baisse de la part de marché des films nationaux.
La mort du DVD est proclamée depuis une quinzaine d’années, après les pics de popularité du milieu des années 2000. L’apparition du Blu-ray n’a pas réussi à sauver le secteur. Certes, la galette haute définition occupe, surtout en Suisse, une part appréciable du marché – il y a deux ans, elle engrangeait 30,3 millions de francs de chiffres d’affaires contre 57,3 pour le DVD, une situation peutêtre due au fait que la différence de prix avec le DVD est moindre en Suisse qu’en France, par exemple. Mais le laser bleu n’a pas permis d’enrayer la baisse continue du secteur.
Le boom des services en ligne
L’industrie de la distribution audiovisuelle donne l’impression d’une branche en fuite en avant constante, avec des arguments technologiques qui convainquent toujours moins les amateurs. Après le flop de la 3D, à la fois dans les salles et les salons, l’apparition, plus récente, de la 4K n’a provoqué aucun sursaut dans l’érosion des ventes. On n’ose à peine mentionner la promesse de la 8K, qui ne soulève guère que les paupières d’un public technophile. Le DVD n’a pourtant pas démérité. Les collections particulières, les éditions enrichies, luxueuses, foisonnent, afin de revivifier le secteur. Historien du cinéma à l’Université de Lausanne, Charles-Antoine Courcoux relève que «le DVD a d’ores et déjà vécu plus longtemps que la VHS. Il a même un destin étonnant, et la durée du Karloff a été un miracle. Car les téléchargements, légaux ou non, existent depuis longtemps, et le Karloff est resté généraliste au milieu d’une offre qui s’est atomisée.»
En parallèle aux avancées techniques, les offres dématérialisées ont explosé. La vente en ligne, d’abord, qui a grignoté le marché comme pour la musique dès les débuts du millénaire. Puis, surtout, le streaming et les services par abonnement, dont le boom actuel, sur les flancs de Netflix, porte l’estocade au support physique – ce qu’écrit Michael Frei, le père du Karloff, dans son billet d’adieu: cette révolution «violente» a «tiré sa prise».
La cruauté du sort du DVD vient du fait qu’il s’affaisse au moment où la consommation audiovisuelle explose, par la vidéo en ligne. Tout n’est cependant pas perdu pour la galette. Une récente étude du CNC indique que les films de patrimoine, de plus de dix ans, représentent une niche non négligeable. Leur poids augmente dans les ventes, avec un goût marqué chez les 35-49 ans urbains et plutôt aisés. Charles-Antoine Courcoux précise: «On retrouve une tradition de l’objet de collection, avec des bonus, que les autres supports ont abandonnée. On revient à la culture du Laserdisc.»
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