Les voitures d’Obiang ont quitté la Suisse
Treize véhicules de luxe ont décollé de Kloten à bord d’un avion-cargo en direction de Dubaï. La fin d’un long périple qui a fait suer les autorités genevoises. Tout porte à croire que la famille au pouvoir en Guinée équatoriale les a rachetées
Un avion de la compagnie luxembourgeoise Cargolux Airlines International a décollé mardi soir de Kloten avec à son bord 13 voitures de luxe ayant appartenu à la Guinée équatoriale, a appris Le Temps. Les treize bolides d’Obiang sont partis en direction de l’aéroport de Dubaï, plus de deux mois après leur vente aux enchères par l’Etat de Genève et la maison Bonhams, le 29 septembre sur les hauteurs de Nyon.
Elles quittent la Suisse après avoir fait souffrir la justice genevoise, puis le canton, pendant trois bonnes années. Les treize font partie d’un lot de 25 voitures qui avaient été déplacées au bout du Léman pour subir des réparations. Elles avaient été séquestrées par le Ministère public genevois à la fin de 2016 à Cointrin et dans des garages de luxe de la région genevoise. Dans le lot figurent une Koenigsegg, une Lamborghini Veneno, des
Rolls-Royce et des Ferrari. Des modèles aussi rares que précieux.
Séquestre tumultueux
La justice genevoise a alors ouvert une procédure pénale contre le fils du président de la Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, prévenu pour blanchiment d’argent et gestion déloyale des intérêts publics.
Pour les voitures, c’est le début d’un séquestre tumultueux. Elles sont d’abord entreposées dans un garage au Bureau des automobiles. Un an plus tard, un rapport de la police judiciaire constate qu’elles sont mal entretenues – or de tels modèles sont fragiles – et que dans ces conditions le séquestre va coûter cher aux contribuables.
Les procureurs décident donc de transférer les 10 modèles les plus luxueux dans un entrepôt au centre-ville en avril 2018, un local géré par l’entreprise qui s’en occupait avant leur séquestre, comme un retour à la case départ.
Les procureurs peinent à prouver les soupçons en partie parce que les véhicules appartiennent officiellement non pas à Teodorin Obiang, mais bien à l’Etat équato-guinéen. Un procureur est même récusé par le Tribunal fédéral, qui ne l’estime pas suffisamment impartial.
En février dernier, le pouvoir judiciaire annonce finalement qu’il classe l’affaire mais que les véhicules seront confisqués puis vendus aux enchères. Le produit de la vente doit être attribué à un projet à caractère social en Guinée équatoriale.
La maison Bonhams est sollicitée pour aider l’Etat dans la vente. La famille Obiang fera une requête en justice pour l’annuler, sous prétexte que le canton devait les vendre en un seul lot et non pas aux enchères. Une action refusée quelques jours avant la vente, qui s’est déroulée dans le golf de Bonmont le 29 septembre. La Lamborghini Veneno part pour 8,2 millions de francs, un record.
Elle est acquise par un mystérieux marchand, dont le nom est connu du Temps, qui rachète même la moitié des 25 véhicules. Un marchand qui a déjà vendu des voitures à la famille Obiang et qui s’entretient durant la vente avec un autre intermédiaire proche du pouvoir équato-guinéen. Dans la chapelle où se déroule la vente, beaucoup croient que les Obiang ont racheté leurs voitures. Est-ce le cas? Ni la maison Bonhams, ni l’Etat de Genève n’ont souhaité répondre à nos sollicitations, pourtant nombreuses ces dernières semaines.
Ces deux derniers mois, les voitures ont été stockées dans un local en Suisse alémanique, en attendant leur départ pour les Emirats, où se trouve l’intermédiaire du mystérieux marchand. Il est donc survenu mardi.
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