Washington se rebiffe contre Bruxelles et Pékin
L’administration Trump menace de punir la France, qui a osé taxer les multinationales du numérique. Sur le front chinois, un accord paraît de moins en moins probable
Pas de répit. La fin de l’année 2019 s’annonce tumultueuse en matière de guerre commerciale. Et pour cause. L’administration Trump a allumé lundi soir un nouveau foyer de tensions avec la France en menaçant de surtaxer des produits français pour riposter à l’instauration de la taxe GAFA en référence aux géants américains du numérique Google, Apple, Facebook et Amazon. Lundi, elle avait annoncé l’imposition de taxes punitives sur l’acier brésilien et argentin.
Enfin en l’absence de trêve, les Etats-Unis devraient imposer des droits de douane de 15% sur des produits importés de Chine d’une valeur de 156 milliards de dollars à partir du 15 décembre. En pleine réunion de l’OTAN mardi à Londres, le président Trump a même annoncé qu’un accord ne l’intéressait pas à ce stade.
C’est le branle-bas de combat en France. Faute de soutien de l’Union européenne, Paris fait cavalier seul sur la fiscalité des entreprises numériques. Elle impose 3% sur le chiffre d’affaires réalisé en France. Même si la taxe concerne toutes les entreprises numériques, les multinationales américaines s’estiment particulièrement visées.
Bruxelles solidaire de Paris
Les mesures de rétorsion américaines – des surtaxes pouvant aller jusqu’à 100% – frapperaient divers produits français d’une valeur de 2,4 milliards de dollars: vin, champagne, fromage, yaourt, porcelaine et sacs à main. «Elles pourraient entrer en vigueur dans les trente jours, a dénoncé mardi le ministre français des Finances Bruno Le Maire. Ce n’est pas le comportement que l’on attend des Etats-Unis vis-à-vis de l’un de ses principaux alliés, la France, et d’une manière générale l’Europe.» Bruxelles soutient Paris. «L’Union européenne agira et réagira d’une seule voix», a averti mardi un porte-parole de la Commission.
Bruno Le Maire a promis une «riposte forte» si les menaces américaines devaient se matérialiser. Il a toutefois évité la surenchère, espérant que les négociations en cours au sein de l’OCDE sur une fiscalité des entreprises numériques aboutissent sur un système fiscal mondial unifié. L’OCDE y travaille depuis le début de l’année, mais le ministre français des Finances soupçonne que les Américains ne seraient plus disposés à poursuivre les négociations.
Pas de date butoir pour un accord avec la Chine
Ça ne va pas mieux sur le front Etats-Unis-Chine. Alors que les diplomates américains et chinois ont multiplié les pourparlers ces dernières semaines, Donald Trump a douché mardi les espoirs d’un accord à court terme. Interrogé à Londres où il participe au sommet de l’Alliance atlantique (OTAN), il a déclaré qu’il n’était pas certain de vouloir un accord. «Je n’ai pas de date butoir, a-t-il souligné. D’une certaine manière, j’aime bien l’idée d’attendre après l’élection présidentielle américaine pour l’accord avec la Chine.» Soit après le 7 novembre 2020.
Ce retournement en a surpris plus d’un. Jusqu’ici, Donald Trump faisait miroiter un accord malgré un refroidissement des relations ces dernières semaines entre les deux puissances. Pékin n’est pas en reste. Il a annoncé mardi des mesures de rétorsion contre les Etats-Unis pour protester contre leur soutien aux manifestations à Hongkong.
Faute d’accord ou de trêve, Washington, selon un calendrier établi de longue date, devrait introduire, dès le 15 décembre, un droit de douane supplémentaire de 15% sur des produits importés de Chine d’une valeur de 156 milliards de dollars.
Brésil et Argentine dans le collimateur
Jamais deux sans trois. L’administration Trump a annoncé lundi des droits de douane punitifs sur l’acier importé aux Etats-Unis en provenance de l’Argentine et du Brésil. Selon elle, les deux pays pratiquent de l’antidumping en raison de la dépréciation de leur monnaie. Washington a aussi fait comprendre qu’ils seraient les deux grands gagnants de la guerre commerciale sino-américaine. La Chine a en effet augmenté ses importations de soja et autres céréales de façon spectaculaire de ces deux pays sur le dos de l’agriculture américaine. Verdict: Washington les punit.
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