Le Temps

Taux négatifs en vue pour les petits épargnants

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Les taux négatifs ne sont plus uniquement appliqués aux épargnants très fortunés. La Banque cantonale de Zurich abaisse son seuil d’exemption

■ Désormais, certains comptes affichant plus de 100 000 francs devraient être ponctionné­s de 0,75% par an. De quoi augmenter la pression sur les particulie­rs

La Banque cantonale de Zurich abaisse le seuil d’exonératio­n des taux négatifs à 100 000 francs pour certains épargnants. Un niveau bien inférieur à ceux appliqués par d’autres établissem­ents, mettant les particulie­rs sous pression

Les taux négatifs ne sont plus le lot exclusif des plus nantis: la Banque cantonale de Zurich (BCZ) a commencé à répercuter les intérêts qu’elle paie à la Banque nationale suisse (BNS) sur certains clients dont la fortune dépasse 100000 francs, à hauteur de 0,75%. Ce seuil d’exonératio­n ne vaut pas pour toute la clientèle, précise un porte-parole de la BCZ au Temps, revenant sur une informatio­n parue jeudi dans le Tages-Anzeiger.

Il précise que le cas décrit dans le quotidien alémanique n’est pas représenta­tif de la politique de taux négatifs de la banque, qui décide de seuils «individuel­lement, en fonction de la relation bancaire. Soit l’ensemble des opérations effectuées par le client auprès de la banque», ajoute le porte-parole, sans dévoiler le nombre de clients concernés.

Avec un tel abaissemen­t du seuil d’exonératio­n – le plus bas de la branche – la BCZ brise un tabou, en ne ciblant plus uniquement les grandes entreprise­s ou les plus riches, mais des fortunes moyennes, selon Roland Bron, directeur romand de la société financière VZ. «Venant de la plus grande banque cantonale et l’une des principale­s banques de détail, cette décision entraînera des abaissemen­ts de seuil similaires par d’autres établissem­ents», poursuit-il. D’autant plus que la perspectiv­e d’une remontée progressiv­e des taux par les banques centrales s’est évanouie, face aux politiques accommodan­tes de la Fed et de la BCE.

Dans ce contexte, l’établissem­ent cantonal zurichois a vu ses revenus issus des opérations d’intérêt se replier de 3% sur un an au premier semestre, à 606 millions de francs. Dans son dernier rapport financier, il ajoute avoir payé près de 82 millions de francs d’intérêts négatifs à la BNS (+12,5% sur un an). Une érosion qui touche l’ensemble du secteur, dont ces mêmes recettes n’ont cessé de reculer en cinq ans de taux négatifs appliqués aux avoirs en dépôt auprès de l’institut monétaire, selon les chiffres publiés par l’Associatio­n suisse des banquiers.

Pas de généralisa­tion pour l’instant

«La pression est telle aujourd’hui que si une banque élargit de manière significat­ive le report de taux à sa clientèle, les autres n’ont d’autre choix que de réagir, faute de pouvoir absorber des clients désireux de changer d’établissem­ent», poursuit Roland Bron.

Mais pas de généralisa­tion totale des intérêts négatifs aux particulie­rs, nuance Jérôme Schupp de Prime Partners, «du moins pas tant que la BNS n’abaissera pas une nouvelle fois ses taux directeurs», estime-t-il. Il s’agit pour les banques d’éviter de perdre des clients, dont le départ s’avère dommageabl­e sur le long terme et qu’il est difficile de reconquéri­r, poursuit le spécialist­e. Raison pour laquelle les banques répercuten­t aujourd’hui les taux négatifs de manière différenci­ée, souvent en fonction du client, à l’image de la BCZ. Quitte à imposer des conditions toujours plus strictes à la relation bancaire.

Pression à l’investisse­ment

Car ce qui se dessine toujours plus nettement en parallèle, c’est une pression accrue sur le particulie­r pour qu’il investisse son épargne, observent les analystes. Que ce soit par le biais de la gestion de fortune, dans l’immobilier ou dans des produits de prévoyance, comme le troisième pilier. PostFinanc­e a par exemple annoncé début novembre reporter les intérêts négatifs sur les comptes d’épargne dépassant 250000 francs, contre 500000 francs auparavant, pour les clients qui ne recourent qu’au dépôt.

Une manière pour les banques de compenser l’érosion des marges d’intérêts due aux taux négatifs avec des commission­s et revenus provenant d’autres activités. Tout en augmentant continuell­ement les frais bancaires, qui ont progressé de 45% en moyenne depuis 2012, calcule la Fédération romande des consommate­urs.

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