Lutte contre le terrorisme: «La Suisse doit servir d’exemple»
NATIONS UNIES La Suisse joue un rôle de pionnier au niveau de la coopération avec le Conseil de sécurité de l’ONU pour la lutte contre le terrorisme. Explications de l’ambassadeur Stephan Husy, de passage à New York C’est avec un but bien précis que Stephan Husy, ambassadeur «en mission spéciale pour la lutte contre le terrorisme» – c’est son titre exact –, est de passage à New York. Ce jeudi, à l’ONU, il a été chargé d’expliquer la stratégie suisse devant le Comité contre le terrorisme (CCT) du Conseil de sécurité. Une première.
La Suisse est le premier pays à partager ses évaluations avec l’ONU. Pourquoi ce privilège?
Il y a une certaine logique: nous sommes le premier pays à avoir accueilli, en février 2018, une délégation d’experts de l’ONU, dans le cadre du nouveau mandat de ce Comité contre le terrorisme. Ce n’est pas la première fois que des rapports concernant des pays sont discutés dans ce cadre élargi. Il y a deux ans, l’Irak et l’Afghanistan ont fait l’objet de rapports, mais avec un but différent, celui d’attirer des donateurs pour, par exemple, renforcer les contrôles aux frontières ou les forces de police. Dans le cas présent, la Suisse est le premier pays à faire l’objet d’une discussion autour de la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité sur le terrorisme. La Suisse est invitée à présenter ses réponses aux recommandations des experts de l’ONU. Des pays davantage concernés par le terrorisme pourraient être tentés de ne pas publier l’ensemble du rapport les concernant. La Suisse, même si elle a des lacunes à combler, tient à faire preuve de transparence. Nous voulons servir de modèle.
La Suisse a tout intérêt à être bon élève puisqu’elle convoite un siège au Conseil de sécurité pour 20232024…
Absolument. Nous avons surtout un savoir-faire dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. La Suisse collabore depuis longtemps avec les instances de l’ONU, par exemple à propos du «delisting» des personnes visées par des sanctions onusiennes. Nous nous engageons par ailleurs pour plus de transparence au Conseil de sécurité. Il est donc normal de vouloir donner l’exemple. En quoi la Suisse est-elle un exemple à suivre en matière de lutte contre le terrorisme? Le CCT s’intéresse surtout
aux combattants terroristes, un phénomène qui finalement touche la Suisse de façon assez marginale…
Ce comité est un outil pour renforcer l’aptitude des Etats membres de l’ONU à prévenir et à contrer des actes terroristes. Si le CCT est particulièrement actif contre le phénomène des combattants terroristes étrangers, le Conseil de sécurité n’émet pas de recommandations concernant leur rapatriement dans leur pays d’origine, car il ne trouve pas de consensus. Nos points forts? La lutte contre le financement du terrorisme en est désormais un, alors que nous avons souvent été accusés de laxisme à cause du secret bancaire après les attentats du 11 septembre 2001. Nous avons passé le test du GAFI (Groupe d’action financière) en 2016, avec ses recommandations contraignantes. La coopération entre partenaires étatiques et secteur privé est citée en exemple. La collaboration entre Confédération, cantons et communes, sous la direction du délégué du Réseau national de sécurité, est également appréciée et pourrait inspirer certains pays, comme nos efforts de prévention de l’extrémisme violent. Notre stratégie a toujours été fondée sur le respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme, et met l’accent à la fois sur la prévention et sur la répression.
Et les lacunes?
A propos de l’entraînement et du recrutement des voyageurs du djihad, la Suisse a bien une loi fédérale interdisant les «groupes Al-Qaida et Etat islamique, et les organisations apparentées», mais le dispositif doit être précisé. Un message au parlement concernant un article du Code pénal sur les organisations criminelles sera en discussion la semaine prochaine, avec des précisions en matière de terrorisme et des peines plus lourdes. Autre exemple: le «Passenger Name Record», qui veut que toutes les informations des passagers soient transmises aux pays de départ et de destination. Nous y travaillons. Mas cela prendra du temps.
Vous avez été nommé ambassadeur en mission spéciale pour la lutte contre le terrorisme en 2014. Comment votre rôle a-t-il évolué depuis?
Avant 2014, nous avions une stratégie de politique étrangère claire, mais pas vraiment de stratégie nationale en matière de lutte contre le terrorisme. Ce point s’est très rapidement développé. Mon travail aujourd’hui est surtout de représenter la Suisse dans les instances internationales, de développer les coopérations et de servir d’antenne. La radicalisation dans les prisons a par exemple été un thème longtemps abordé à l’étranger avant que l’on soit concerné et cela nous a servi de participer aux discussions. Une de nos missions principales reste de surveiller le développement du cadre légal et de défendre le droit humanitaire international. Il ne peut pas être bafoué au nom de la lutte contre le terrorisme. ▅