Le Tessin divisé sur le sort d’Ignazio Cassis
Dans une Suisse italienne qui avait été privée de siège au gouvernement durant près de vingt ans, la droite fait bloc face à l’attaque de Regula Rytz. Cependant, au sein de la gauche tessinoise, on défend les prétentions jugées légitimes des Verts
En faisant acte de candidature au Conseil fédéral, la Verte Regula Rytz s’attaque à un des sièges du PLR et plus particulièrement à celui d’Ignazio Cassis. L’élection du Tessinois avait mis fin à dixhuit ans d’absence de la Suisse italienne au gouvernement fédéral. Alors, que pense-t-on au sud des Alpes de la volonté des écologistes de ravir le siège d’Ignazio Cassis?
Au PLR tessinois, pas beaucoup de bien, on s’en doute. Son président, Bixio Caprara, avance le bon travail réalisé par le membre de son parti. En politique extérieure, il a su mettre les problèmes du pays sur la table en toute transparence, avance-t-il. «Avant de finaliser un accord-cadre avec l’Union européenne, il veut que la circulation des personnes soit discutée. Pour le Tessin, où les salaires sont sous pression à cause du nombre croissant de travailleurs frontaliers, les mesures d’accompagnement sont fondamentales, et cela, il le comprend.»
«Nécessaire pour la cohésion nationale»
Mais, pour Bixio Caprara, la principale raison qui fait que le Tessinois doit être maintenu en fonction réside dans son identité culturelle. «Il est nécessaire pour la cohésion nationale que la Suisse italophone soit représentée au Conseil fédéral. Après le départ de Flavio Cotti, en 1998, le clivage entre Berne et le sud des Alpes s’est creusé.» Un avis partagé par son homologue PDC, Fiorenzo Dado, qui fait également de la lutte tessinoise pour réintégrer le gouvernement fédéral un argument en faveur d’Ignazio Cassis. «La Suisse italienne fait partie du pays et elle doit être représentée. Cela, même si les positions de l’honorable Cassis ne sont pas toujours celles d’une majorité de Tessinois.»
Bixio Caprara espère que les députés italophones seront solidaires envers leur conseiller fédéral, le 7 décembre prochain. «Ce serait triste que ceux qui ont toujours souligné l’importance de la culture italienne en Suisse ne le soutiennent pas», souligne-t-il. Président du Parti socialiste tessinois, Igor Righini rétorque que pour les socialistes les valeurs l’emportent sur l’origine, ajoutant que sa sensibilité latine, Ignazio Cassis aurait pu l’exprimer lorsqu’il s’agissait de voter sur les ventes d’armes à l’étranger, ce qu’il n’a pas fait.
Et les Verts dans tout cela? Les voix de la droite sont à l’unisson à ce sujet: ce n’est pas le moment pour les écologistes de réclamer un siège au Conseil fédéral. Avant d’espérer entrer au gouvernement, le parti environnementaliste doit confirmer son succès électoral dans quatre ans. «Remettre en question la formule magique du jour au lendemain, suite à une victoire, serait imprudent», estime Michele Foletti, le porte-parole de la Ligue des Tessinois, qui rappelle par ailleurs que lorsque l’UDC est devenue le premier parti du pays, elle a dû patienter près de dix ans avant d’obtenir un deuxième siège au gouvernement.
Pour les partis de droite, les Verts joueront donc un rôle plus important dans le futur. «Mais leurs solutions devront être insérées dans un agenda plus ample. L’environnement est très important, mais ce n’est pas le seul thème auquel tout le reste doit être subordonné. Le PLR a aussi des solutions, autres que des interdictions et des taxes supplémentaires», insiste Bixio Caprara.
Neuf Sages pour contenter tout le monde?
A gauche, au contraire, on défend l’idée que la performance des Verts aux élections fédérales d’octobre justifie certainement la revendication d’une place au Conseil fédéral. Mais Igor Righini reconnaît que, dans le cadre du système suisse, leur succès devrait probablement être renouvelé au moins une fois pour que la classe politique accepte de modifier l’ordre établi.
Sans surprise, il n’y a qu’au sein des Verts tessinois que l’on est très favorable à l’élection de Regula Rytz au Conseil fédéral. «Si l’électorat a massivement voté pour notre parti, c’est pour qu’il dispose d’une plus grande marge de manoeuvre à Berne», soutient Samantha Bourgoin, co-coordinatrice des Verts tessinois. Que la présidente des Verts suisses promeuve une discussion sur la présence des environnementalistes au Conseil fédéral est positive, juge-t-elle, «sinon, le débat actuel sur le fait que celui-ci n’est pas représentatif du peuple – étant beaucoup trop à droite – ne se serait pas ouvert».
«L’environnement est très important, mais ce n’est pas le seul thème auquel tout le reste doit être subordonné»
BIXIO CAPRARA, PRÉSIDENT DU PLR TESSINOIS
Mais l’intérêt des Verts pour le Conseil fédéral ne place pas forcément Ignazio Cassis sur un siège éjectable. «Je pense aussi que le nombre de ministres peut être rediscuté et passer de sept à neuf», ajoute Samantha Bourgoin, plaidant que, dans un contexte global où la contribution de chaque nation compte, on ne peut attendre vingt ans pour un changement à la tête du pays. «La formule magique a fait son temps. Pour répondre aux problèmes urgents, tant à l’international qu’en Suisse et au Tessin, en ce qui concerne l’environnement et le marché du travail, la présence verte au Conseil fédéral est nécessaire.»
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