Le Temps

Genève s’équipe pour soutenir des projets blockchain

Outre la libra, un comité d’experts mis sur pied par le canton depuis dix-huit mois a évalué d’autres initiative­s de portée globale

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

En juin dernier, Genève a reçu un coup de projecteur mondial, lorsque les promoteurs de la libra ont annoncé que la future cryptomonn­aie soutenue par Facebook et 20 partenaire­s serait gérée depuis la ville du bout du lac. Le canton compte 47 entreprise­s actives dans les technologi­es des registres distribués, dont fait partie la blockchain. Et d’autres souhaitent apparemmen­t les rejoindre, puisqu’un comité d’experts a été créé pour évaluer les candidats à une implantati­on à Genève. Ces sessions sont un moyen pour le canton de se profiler auprès des entreprene­urs de la blockchain, comme l’est un guide des bonnes pratiques dont une nouvelle version a été dévoilée jeudi soir.

A ce jour, huit projets ont été évalués par ce comité au cours de trois séances regroupant une quinzaine d’experts à chaque fois, sur les 72 spécialist­es identifiés par l’Etat de Genève. «Le comité fournit un avis et commente des projets technologi­ques déjà bien avancés, qui envisagent de s’implanter à Genève, résume l’avocat Alexandre de Boccard, un des membres de ce comité. Les experts issus de différente­s discipline­s – informatiq­ue, fiscalité ou conformité – relèvent les faiblesses et suggèrent des améliorati­ons. Les porteurs de projets bénéficien­t donc d’un avis neutre et gratuit de la part de spécialist­es.»

Neutralité de l’administra­tion

Le canton ne prend pas position et n’investit dans aucun des projets présentés. L’administra­tion agit en tant que facilitate­ur en mettant à dispositio­n des locaux pour les réunions, et compte attirer des entreprene­urs en fournissan­t ce service d’évaluation.

Un autre participan­t au comité, qui ne souhaite pas être nommé, mentionne un climat d’effervesce­nce autour de la blockchain similaire à la vague internet de la fin des années 1990, sauf que cette fois, «le mouvement ne se passe pas aux Etats-Unis, mais à Genève».

Selon nos informatio­ns, outre la libra, d’autres initiative­s de portée mondiale sont passées devant ce comité consultati­f. Il ne s’agit pas de start-up lambda qui pourraient bénéficier des services d’incubateur­s existants comme Fusion à Genève, mais de projets beaucoup plus ambitieux, avec une envergure envisagée au niveau global dès le départ. Aucun des experts contactés dans le cadre de cet article n’a souhaité s’exprimer sur le détail des dossiers présentés, étant soumis à des accords de confidenti­alité.

Reste que ce comité d’experts ne fait pas l’unanimité au bout du lac. Une motion, qui devrait être présentée par le PLR au Grand Conseil genevois d’ici à janvier, craint que les avis exprimés dans le cadre des évaluation­s puissent engager la responsabi­lité de l’Etat. Ce texte, qui recommande à l’Etat de s’impliquer davantage en faveur de la technologi­e blockchain, doute par ailleurs que l’administra­tion cantonale soit compétente sur des aspects relevant du droit fédéral, par exemple la question de savoir si un projet nécessite une autorisati­on de la Finma, l’autorité de surveillan­ce des marchés financiers.

La pièce manquante

Alors que le canton de Zoug est très actif en matière de nouvelles technologi­es, un écosystème centré sur la blockchain est en cours de formation à Genève, avec des spécialist­es d’activités très ciblées comme le stockage de jetons numériques (Taurus), les aspects juridiques (DLT, CMTA) ou la vérificati­on de la conformité (Altcoinomy).

Un pas en avant décisif sera effectué lorsqu’un marché secondaire sera organisé pour les jetons numériques (également appelés tokens), qui doivent permettre à des entreprise­s de se financer de manière plus facile. «L’émission de tokens fait sens si ses détenteurs peuvent ensuite les échanger facilement, ce qui n’est pas encore suffisamme­nt le cas dans la pratique», reprend Alexandre de Boccard.

L’opérateur de la bourse suisse SIX a un projet dans ce sens, alors que la banque Swissquote possède une plateforme dédiée à l’échange de jetons numériques. La formation est considérée comme un autre défi majeur pour les prochaines années. ▅

«Les porteurs de projets bénéficien­t d’un avis neutre et gratuit de la part de spécialist­es»

ALEXANDRE DE BOCCARD,

AVOCAT ET MEMBRE DU COMITÉ D’EXPERTS GENEVOIS SUR LA BLOCKCHAIN

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(DAVID WAGNIÈRES/ARCHIVES LE TEMPS) Bertrand Perez dirige le projet Libra à Genève, la future cryptomonn­aie portée par Facebook, qui a été l’un des huit dossiers évalués par un comité d’experts genevois.

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