Genève s’équipe pour soutenir des projets blockchain
Outre la libra, un comité d’experts mis sur pied par le canton depuis dix-huit mois a évalué d’autres initiatives de portée globale
En juin dernier, Genève a reçu un coup de projecteur mondial, lorsque les promoteurs de la libra ont annoncé que la future cryptomonnaie soutenue par Facebook et 20 partenaires serait gérée depuis la ville du bout du lac. Le canton compte 47 entreprises actives dans les technologies des registres distribués, dont fait partie la blockchain. Et d’autres souhaitent apparemment les rejoindre, puisqu’un comité d’experts a été créé pour évaluer les candidats à une implantation à Genève. Ces sessions sont un moyen pour le canton de se profiler auprès des entrepreneurs de la blockchain, comme l’est un guide des bonnes pratiques dont une nouvelle version a été dévoilée jeudi soir.
A ce jour, huit projets ont été évalués par ce comité au cours de trois séances regroupant une quinzaine d’experts à chaque fois, sur les 72 spécialistes identifiés par l’Etat de Genève. «Le comité fournit un avis et commente des projets technologiques déjà bien avancés, qui envisagent de s’implanter à Genève, résume l’avocat Alexandre de Boccard, un des membres de ce comité. Les experts issus de différentes disciplines – informatique, fiscalité ou conformité – relèvent les faiblesses et suggèrent des améliorations. Les porteurs de projets bénéficient donc d’un avis neutre et gratuit de la part de spécialistes.»
Neutralité de l’administration
Le canton ne prend pas position et n’investit dans aucun des projets présentés. L’administration agit en tant que facilitateur en mettant à disposition des locaux pour les réunions, et compte attirer des entrepreneurs en fournissant ce service d’évaluation.
Un autre participant au comité, qui ne souhaite pas être nommé, mentionne un climat d’effervescence autour de la blockchain similaire à la vague internet de la fin des années 1990, sauf que cette fois, «le mouvement ne se passe pas aux Etats-Unis, mais à Genève».
Selon nos informations, outre la libra, d’autres initiatives de portée mondiale sont passées devant ce comité consultatif. Il ne s’agit pas de start-up lambda qui pourraient bénéficier des services d’incubateurs existants comme Fusion à Genève, mais de projets beaucoup plus ambitieux, avec une envergure envisagée au niveau global dès le départ. Aucun des experts contactés dans le cadre de cet article n’a souhaité s’exprimer sur le détail des dossiers présentés, étant soumis à des accords de confidentialité.
Reste que ce comité d’experts ne fait pas l’unanimité au bout du lac. Une motion, qui devrait être présentée par le PLR au Grand Conseil genevois d’ici à janvier, craint que les avis exprimés dans le cadre des évaluations puissent engager la responsabilité de l’Etat. Ce texte, qui recommande à l’Etat de s’impliquer davantage en faveur de la technologie blockchain, doute par ailleurs que l’administration cantonale soit compétente sur des aspects relevant du droit fédéral, par exemple la question de savoir si un projet nécessite une autorisation de la Finma, l’autorité de surveillance des marchés financiers.
La pièce manquante
Alors que le canton de Zoug est très actif en matière de nouvelles technologies, un écosystème centré sur la blockchain est en cours de formation à Genève, avec des spécialistes d’activités très ciblées comme le stockage de jetons numériques (Taurus), les aspects juridiques (DLT, CMTA) ou la vérification de la conformité (Altcoinomy).
Un pas en avant décisif sera effectué lorsqu’un marché secondaire sera organisé pour les jetons numériques (également appelés tokens), qui doivent permettre à des entreprises de se financer de manière plus facile. «L’émission de tokens fait sens si ses détenteurs peuvent ensuite les échanger facilement, ce qui n’est pas encore suffisamment le cas dans la pratique», reprend Alexandre de Boccard.
L’opérateur de la bourse suisse SIX a un projet dans ce sens, alors que la banque Swissquote possède une plateforme dédiée à l’échange de jetons numériques. La formation est considérée comme un autre défi majeur pour les prochaines années. ▅
«Les porteurs de projets bénéficient d’un avis neutre et gratuit de la part de spécialistes»
ALEXANDRE DE BOCCARD,
AVOCAT ET MEMBRE DU COMITÉ D’EXPERTS GENEVOIS SUR LA BLOCKCHAIN