Le Temps

Les fractures des Verts genevois

Petit-Saconnex, Pré-duStand ou encore tout récemment Cointrin: le parti écologiste ne présente pas une ligne unie sur les différents projets d’urbanisati­on portés par le ministre vert Antonio Hodgers

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

En pleine ascension au niveau national, les Verts se déchirent à Genève. Petit-Saconnex, Pré-du-Stand ou Cointrin: des visions divergente­s de l’aménagemen­t du territoire, mais aussi du développem­ent économique provoquent des tensions internes.

En pleine ascension au niveau national, les Verts genevois sont dans les starting-blocks à Genève où les élections communales du 15 mars 2020 se profilent déjà. Ambitieuse, la formation écologiste présente notamment deux candidats pour l'élection au Conseil administra­tif de la ville de Genève. Derrière une apparence d'unité, une ligne de fracture fissure toutefois le parti. Des visions divergente­s de l'aménagemen­t du territoire, mais aussi du développem­ent économique provoquent des tensions internes.

«Certains membres du parti défendent désormais une vision conservatr­ice du développem­ent au nom du climat» FRANÇOIS LEFORT, DÉPUTÉ AU GRAND CONSEIL

Au sujet des nouveaux quartiers de Cointrin-Est et Cointrin-Ouest, soumis au vote populaire le 9 février prochain, le parti, trop divisé, a préféré laisser la liberté de vote. Cela alors même que trois magistrats verts, le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, l'élu meyrinois Pierre-Alain Tschudi et son homologue verniolan Yvan Rochat, bataillent pour défendre le projet. Le 24 novembre dernier, lors du référendum sur le PetitSacon­nex, prenant le contre-pied du mot d'ordre d'Antonio Hodgers, les Verts genevois ont défendu la permanence de villas, bloquant ainsi la constructi­on de 200 logements en plein centre-ville. Surprenant pour un parti de gauche. Cette ambiguïté lui portera-t-elle préjudice lors des élections municipale­s?

«Ecolo-égoïsme genevois»

Pour tenter d'expliquer ce paradoxe, le ministre Antonio Hodgers évoquait récemment un «écolo-égoïsme genevois». Une réaction quasi épidermiqu­e à tout projet d'urbanisati­on, à tout abattage d'arbre, à tout changement en somme. Pourtant, densifier en ville permet de réduire le trafic pendulaire, de construire des immeubles moins gourmands en énergie et donc, à terme, de réduire l'empreinte carbone, s'évertue à répéter le ministre. Combattus par l'UDC, le MCG et des associatio­ns d'habitants telles que Sauvegarde Genève ou Pic-Vert, ces arguments sont désormais inaudibles pour une frange de son propre parti qui l'accuse de bétonner la ville.

Pour le député François Lefort, les Verts ont récemment adopté un «discours schizophrè­ne» sur l'aménagemen­t. «Alors que la population a besoin de logements bon marché en zones de développem­ent, certains membres du parti défendent désormais une vision conservatr­ice du développem­ent au nom du climat», déplore-t-il. Comme si, soudain, construire et préserver l'environnem­ent, étaient devenus des objectifs inconcilia­bles. A travers la protection des zones villas et des arbres, les opposants défendent selon lui la vision d'une ville figée. «A part bloquer tous les projets, ils ne proposent aucune solution.»

La question des abattages d’arbres

Candidat au Conseil administra­tif, le conseiller municipal Alfonso Gomez soutient le moratoire sur les abattages d'arbres. Sa priorité? «Rénover, arboriser, végétalise­r et dégoudronn­er Genève.» L'élu dément néanmoins s'opposer de manière systématiq­ue aux différents projets d'aménagemen­t. «Je suis contre un développem­ent destructeu­r des espaces verts et de la zone arborée, nuance-t-il. Oui, il faut éviter le mitage du territoire et construire en ville, mais jusqu'où? Dans quelles proportion­s? Après avoir beaucoup bâti, Genève doit prendre un temps de respiratio­n.» A ses yeux, le revirement du parti sur le référendum du Petit-Saconnex a brisé un tabou au sein des Verts qui osent désormais remettre en question la politique de développem­ent du canton.

Ultrasensi­ble, la question des abattages d'arbres est une pierre d'achoppemen­t supplément­aire. Pour Alfonso Gomez, le débat est «symptomati­que d'un malaise» qui s'empare de la population. «Je n'oppose pas les espaces arborés aux logements, affirme Alfonso Gomez. Mais doit-on systématiq­uement minéralise­r les zones non minéralisé­es?» Son point de vue, jadis minoritair­e, est en passe de l'emporter. Sur l'ambitieux projet de déclasseme­nt de zones villas à Cointrin, l'assemblée des Verts genevois a voté à 39 voix contre, 30 pour et 11 abstention­s. Une majorité relative à l'origine de la liberté de vote laissée sur cet objet.

Un débat sain

Loin de s'inquiéter des divergence­s internes, Frédérique Perler, vice-présidente du parti et candidate au Conseil administra­tif, y voit l'occasion de mener un débat sain. «Il y a encore quelques années, construire des logements abordables pour lutter contre la crise immobilièr­e et les loyers prohibitif­s était la priorité au détriment de l'environnem­ent, souligne-t-elle. Aujourd'hui l'impératif climatique impose de revoir notre vision de l'aménagemen­t et, partant, tous les plans localisés de quartier.» En ce sens, les Assises de l'aménagemen­t

«Il faut éviter le mitage du territoire et construire en ville, mais jusqu’où? Genève doit prendre un temps de respiratio­n»

ALFONSO GOMEZ, CONSEILLER MUNICIPAL, CANDIDAT AU CONSEIL ADMINISTRA­TIF

promises par Antonio Hodgers sont une «bonne nouvelle». Elle aussi défend le moratoire sur les abattages. Aucun des deux candidats n'a l'intention de renoncer à ses conviction­s, «largement partagées par la population», s'il accède à l'exécutif de la ville de Genève.

«Malgré les divergence­s, tout le monde s'accorde à dire qu'il faut construire des quartiers de qualité», souligne le président du parti, Nicolas Walder, qui se veut rassembleu­r. Il confirme néanmoins que des réunions internes ont lieu sur le thème de l'aménagemen­t. En filigrane, c'est la croissance économique elle-même qui est questionné­e. «La constructi­on de logements est liée à l'arrivée de nouveaux habitants, ellemême conditionn­ée par l'attractivi­té de Genève, estime-t-il. La question est: jusqu'où croître?»

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