Le Temps

L’Europe et le monde ont besoin d’un Vaclav Havel

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

A quoi bon commémorer l’élection de Vaclav Havel à la présidence de la Tchécoslov­aquie le 29 décembre 1989? Trente ans après la Révolution de velours qui porta le dramaturge à la première présidence post-communiste, le parcours et la réflexion de celui que le metteur en scène François Rochaix décrivait comme le «Socrate du XXe siècle» devraient continuer de nous inspirer.

Pour les Tchécoslov­aques écrasés par la dictature communiste, le dissident fut la lueur d’espoir au bout d’un long tunnel. Aujourd’hui, le feu intellectu­el reste d’une extraordin­aire pertinence. En 1990, il avait tenu un discours mémorable devant le Congrès américain. Face à l’avilisseme­nt moral, éthique et politique de l’Amérique sous l’égide d’une administra­tion de Donald Trump habituée au mensonge institutio­nnalisé que Havel exécrait, mais aussi face à des Bolsonaro, Orban ou Kaczynski, ses enseigneme­nts devraient retentir comme un avertissem­ent.

Ses discours livrent encore à ce jour des conseils très utiles à l’heure où l’autoritari­sme de nouveau en vogue et l’hyper-consommati­on aliènent l’individu. Ses appels à l’engagement de chacun, à la primauté de l’éthique et surtout à la mobilisati­on tous azimuts de la société civile pour contrer toute tentative d’aliénation de la liberté devraient nous interpelle­r. Son vécu de résistant au totalitari­sme a d’ailleurs inspiré les rédacteurs de la Charte 08 en Chine ou le Mouvement vert en Iran.

Vaclav Havel était un grand Européen. Au-delà du marché unique, de la nécessité d’adopter des règlements commerciau­x ou techniques, l’UE a besoin de spirituali­té, disait-il. C’est dans cet esprit qu’il comprenait l’extension de l’UE vers l’Est, comme une contributi­on culturelle de son pays au projet européen et non comme une simple intégratio­n économique qui dissout le sens même d’appartenan­ce.

L’UE devait, selon lui, assumer une responsabi­lité envers le monde, non pas néocolonia­liste, mais bienveilla­nte et humble. Vaclav Havel a été le premier chef d’Etat à plaider pour une Constituti­on européenne, brève, mais claire. Il a proposé de créer une sorte de Sénat européen composé de représenta­nts des parlements nationaux pour délibérer en cas de grave crise. Il s’est érigé en promoteur d’une Europe fédéralist­e respectueu­se des souveraine­tés et des identités, mais unie pour s’affirmer comme un pôle mondial des valeurs démocratiq­ues et humanistes. Aujourd’hui plus que jamais, l’Europe et le monde ont besoin d’un Vaclav Havel. La politique a besoin d’un Vaclav Havel pour retrouver son sens.

Ses enseigneme­nts devraient retentir comme un avertissem­ent

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland