L’Europe et le monde ont besoin d’un Vaclav Havel
A quoi bon commémorer l’élection de Vaclav Havel à la présidence de la Tchécoslovaquie le 29 décembre 1989? Trente ans après la Révolution de velours qui porta le dramaturge à la première présidence post-communiste, le parcours et la réflexion de celui que le metteur en scène François Rochaix décrivait comme le «Socrate du XXe siècle» devraient continuer de nous inspirer.
Pour les Tchécoslovaques écrasés par la dictature communiste, le dissident fut la lueur d’espoir au bout d’un long tunnel. Aujourd’hui, le feu intellectuel reste d’une extraordinaire pertinence. En 1990, il avait tenu un discours mémorable devant le Congrès américain. Face à l’avilissement moral, éthique et politique de l’Amérique sous l’égide d’une administration de Donald Trump habituée au mensonge institutionnalisé que Havel exécrait, mais aussi face à des Bolsonaro, Orban ou Kaczynski, ses enseignements devraient retentir comme un avertissement.
Ses discours livrent encore à ce jour des conseils très utiles à l’heure où l’autoritarisme de nouveau en vogue et l’hyper-consommation aliènent l’individu. Ses appels à l’engagement de chacun, à la primauté de l’éthique et surtout à la mobilisation tous azimuts de la société civile pour contrer toute tentative d’aliénation de la liberté devraient nous interpeller. Son vécu de résistant au totalitarisme a d’ailleurs inspiré les rédacteurs de la Charte 08 en Chine ou le Mouvement vert en Iran.
Vaclav Havel était un grand Européen. Au-delà du marché unique, de la nécessité d’adopter des règlements commerciaux ou techniques, l’UE a besoin de spiritualité, disait-il. C’est dans cet esprit qu’il comprenait l’extension de l’UE vers l’Est, comme une contribution culturelle de son pays au projet européen et non comme une simple intégration économique qui dissout le sens même d’appartenance.
L’UE devait, selon lui, assumer une responsabilité envers le monde, non pas néocolonialiste, mais bienveillante et humble. Vaclav Havel a été le premier chef d’Etat à plaider pour une Constitution européenne, brève, mais claire. Il a proposé de créer une sorte de Sénat européen composé de représentants des parlements nationaux pour délibérer en cas de grave crise. Il s’est érigé en promoteur d’une Europe fédéraliste respectueuse des souverainetés et des identités, mais unie pour s’affirmer comme un pôle mondial des valeurs démocratiques et humanistes. Aujourd’hui plus que jamais, l’Europe et le monde ont besoin d’un Vaclav Havel. La politique a besoin d’un Vaclav Havel pour retrouver son sens.
Ses enseignements devraient retentir comme un avertissement