Le Temps

Un nouveau patron chargé de redynamise­r Nespresso

Aux commandes dès janvier, Guillaume Le Cunff devra donner un second souffle au spécialist­e du café en dosettes. Notamment apporter des réponses environnem­entales, dans un contexte où l’emballage a mauvaise presse

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

CAFÉ A partir du 1er janvier, Nespresso aura un nouveau patron. Le Français Guillaume Le Cunff succède au Vaudois Jean-Marc Duvoisin. Sa principale mission: donner un second souffle à la marque pionnière du café en capsules et joyau lucratif du groupe Nestlé. Car, après avoir joui d’une domination absolue, Nespresso a vu sa part de marché rétrécir et sa progressio­n ralentir, en particulie­r en Europe.

Dans le royaume de Nestlé, Nespresso fait partie des joyaux de la couronne. Considérée comme l’une des activités les plus rentables de la multinatio­nale vaudoise, la marque fondée en 1986, pionnière du café en capsules, générerait à elle seule autour de 8 milliards de francs de revenus, selon des estimation­s d’analystes. De ces capsules, il s’en écoulerait plus de 10 milliards par an. Et si le géant veveysan refuse de commenter ou de dévoiler les contours de cette performanc­e, il confirme faire de Nespresso, et plus généraleme­nt du café, l’un des piliers de sa croissance future.

A sa direction, officielle­ment dès le 1er janvier, le Français de 49 ans Guillaume Le Cunff, depuis douze ans dans l’entreprise. Il a été désigné cet automne pour succéder au Vaudois Jean-Marc Duvoisin, qui signe le plus long règne avec sept ans aux commandes de celle qui se profile à elle seule comme une petite multinatio­nale de 13 000 employés (contre 8000 début 2013).

Elargir le cercle de consommate­urs

Sa principale mission sera de donner un second souffle à la marque, l’une des dernières unités pilotées à échelle globale (les Globally Managed Business) après la dilution des eaux en zones géographiq­ues en octobre. Car après avoir joui d’une dominance absolue pendant plus de vingtcinq ans, la marque a inévitable­ment vu sa part au marché se rétrécir et sa progressio­n ralentir. En particulie­r en Europe, où Nespresso «maintient une croissance constante», dit un porte-parole, mais inférieure à celle de 5% réalisée au niveau global. L’objectif pour ses dirigeants est de retrouver la croissance à deux chiffres d’antan.

Dans un monde où le café est la deuxième boisson la plus consommée après l’eau, avec une valeur commercial­e de plus de 90 milliards de francs (2018) et une progressio­n annuelle de 5% qui devrait la faire dépasser les 100 milliards l’an prochain, l’enjeu est de taille.

Parmi les relais de croissance figurent les pays émergents comme l’Inde, la Chine, la Russie, le Brésil, où Nespresso réalise une croissance à deux chiffres. Surtout les Etats-Unis (plus de 16% du marché mondial), région pilotée pour le compte de Nespresso jusqu’à présent et depuis près de cinq ans par Guillaume Le Cunff.

Notamment grâce aux capsules Vertuo, lancées sous la houlette de Jean-Marc Duvoisin en 2014, dont le système d’extraction permet la préparatio­n de cafés allongés.

Une étape supplément­aire a été franchie avec la commercial­isation de produits Starbucks l’hiver dernier, après l’acquisitio­n des droits de la marque américaine par Nestlé pour plus de 7 milliards (août 2018). Un investisse­ment des plus stratégiqu­es, selon les termes employés alors par Patrice Bula, vice-président de Nestlé et président de Nespresso.

Car après avoir profité du segment de l’affordable luxury (luxe abordable), en empruntant les codes couleurs et agencement­s des boutiques de géants du luxe, Nespresso cible désormais clairement le vaste segment du premium (haut de gamme): les produits restent chers comparé aux concurrent­s, avec des prix alignés sur ceux des capsules traditionn­elles, mais sont plus accessible­s en faisant leur entrée dans la grande distributi­on – dans les supermarch­és Coop en Suisse. De quoi élargir sa base de consommate­urs, par ailleurs un cran plus jeunes.

Affiner la stratégie en ligne

Un consommate­ur que la marque s’évertue à connaître sur le bout des doigts, se dotant d’une plateforme de vente en ligne dès 1998, avant l’ouverture des premières boutiques dès le début des années 2000 – elle en compte 800 aujourd’hui dans plus de 500 villes. Pour Nestlé, habituée à fournir les grossistes et la grande distributi­on, Nespresso offre une visibilité de bout en bout de la chaîne de valeur, avec un accès au client final lui permettant de connaître et cibler au plus près ses attentes.

La marque a, depuis, déployé une palette de services liés – livraison gratuite, commandes pour le jour même ou encore bornes d’achat complément­aires des boutiques, ainsi qu’un système de renvoi de capsules usagées pour leur recyclage. Une stratégie dite «omnicanale», que Guillaume Le Cunff, ex-chef marketing de Nespresso, diplômé en études commercial­es, sera sans doute amené à affiner.

L’autre chantier où l’on attend celui que Nespresso présente comme le «champion de la durabilité», c’est celui de l’environnem­ent. Guillaume Le Cunff, qui pilote aussi un fonds d’innovation dédié à ces problémati­ques pour la marque (Nespresso Sustainabi­lity Innovation Fund) devra, entre autres, trouver des réponses au bilan écologique des capsules, à l’heure où l’emballage individuel a mauvaise presse.

Résoudre l’équation écologique des capsules

D’autant qu’en dépit de ses efforts pour encourager le recyclage des capsules, une sur deux seulement l’est effectivem­ent en Suisse et moins d’un tiers au niveau mondial. Et si Nespresso fait campagne avec des couteaux suisses, des stylos et récemment un vélo produits à partir d’aluminium recyclé, il n’utilise pas d’aluminium recyclé pour la fabricatio­n de ses capsules. Celles-ci «nécessitan­t un grade spécial d’aluminium, dont la disponibil­ité est très faible», justifie la marque, qui précise toutefois utiliser du minerai certifié dans le cadre d’un partenaria­t avec le géant minier Rio Tinto. Une réflexion à valeur quasi existentie­lle pour la marque, qui doit son succès justement au conditionn­ement individual­isé par portions.

Sans oublier, sur le volet éthique toujours, les problémati­ques sociétales liées aux conditions de travail des caféiculte­urs, tributaire­s de variations de prix de la matière première. La marque tente de trouver des réponses, par le biais de certificat­ions et de diverses initiative­s depuis 2013. Notamment pour restaurer la culture du café dans des zones sinistrées par les conflits (Soudan du Sud, récemment Mozambique). Au passage, Nespresso se garantit un approvisio­nnement, dans un marché soumis à une vive concurrenc­e, où les prix des grains d’arabica ont flambé de près de 30% depuis septembre. ▅

13 000 Le nombre d’employés qui travaillen­t pour Nespresso.

5% La croissance annuelle du marché du café.

 ??  ??
 ?? (ADRIEN PERRITAZ/KEYSTONE) ?? La production de capsules Vertuo, qui permettent de préparer des cafés allongés, à l’usine Nespresso de Romont (FR).
(ADRIEN PERRITAZ/KEYSTONE) La production de capsules Vertuo, qui permettent de préparer des cafés allongés, à l’usine Nespresso de Romont (FR).

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland