Le Temps

Boeing, une dégringola­de qui n’en finit plus

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @EtienneMey­Va

Une semaine après l’arrêt de la production des 737 MAX, Boeing finit l’année par une série de départs. Après son patron, c’est au tour du conseiller spécial pour les litiges liés aux deux accidents mortels du modèle de quitter le constructe­ur

Boeing passe une fin d’année agitée. L’avionneur a annoncé jeudi le départ de son conseiller spécial pour les litiges liés aux deux accidents mortels du 737 MAX. John Michael Luttig était chargé depuis le 1er mai dernier des questions juridiques relatives aux crashs des avions de Lion Air et Ethiopian Airlines. C’est le deuxième départ annoncé par Boeing cette semaine, après la démission lundi de Dennis Muilenburg, directeur général du constructe­ur.

Avant d’endosser ce rôle, John Michael Luttig occupait le poste de directeur juridique pour la firme. C’est son successeur, Brett Gerry, qui reprendra également les dossiers des deux catastroph­es qui ont causé la mort de 346 personnes. Ces deux départs intervienn­ent une semaine après l’annonce du gel de la production des 737 MAX à partir de janvier 2020. Ces derniers mois, d’autres responsabl­es, notamment dans la communicat­ion et la division des vols commerciau­x, ont quitté l’entreprise.

Un patron sous pression

«Cette démission est dans la suite de celle du directeur général. Le départ de Dennis Muilenburg était attendu mais le timing est surprenant, estime Arnaud Aymé, spécialist­e des transports chez Sia Partners. On aurait pu imaginer qu’il interviend­rait après la nouvelle autorisati­on de vol pour le 737 MAX. L’échec du vol de la capsule Starliner a peut-être été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.» Cette capsule, destinée à rendre la maîtrise du vol spatial habité aux Américains, est un programme de la division espace de Boeing, sans lien avec le 737 MAX. Vendredi dernier, un test sans passager pour rejoindre la Station spatiale internatio­nale a échoué. Un échec pas forcément inattendu au vu de la complexité de l’opération mais qui vient s’ajouter à la longue liste des déboires de Boeing.

Dennis Muilenburg avait déjà perdu son titre de président du conseil d’administra­tion au profit de David Calhoun en octobre. Il avait été personnell­ement très critiqué lors de son audition par le Congrès américain le 29 octobre dernier. Certains observateu­rs ont également pointé son manque d’empathie vis-à-vis des victimes. «C’est assez étonnant en termes de communicat­ion de crise, insiste Xavier Tytelman, spécialist­e en aéronautiq­ue chez CGI Consulting. En règle générale, ces changement­s intervienn­ent quand la crise est résolue, pas au moment où elle s’intensifie. Il y a peut-être une volonté de lui faire porter le poids des erreurs commises, notamment le fait de ne pas avoir arrêté la production, pour pouvoir repartir à neuf.» Alors qu’une interdicti­on de vol des 737 MAX avait été décidée en mars dernier, leur production avait été simplement ralentie, passant de 52 à 42 appareils par mois. Plus de 400 appareils fabriqués depuis s’entassent donc dans des zones de stockage.

De mystérieux documents

David Calhoun doit prendre la suite effective de Dennis Muilenburg à partir du 13 janvier. Dans la soirée qui a suivi la démission de ce dernier, Boeing a transmis de nouveaux documents à la Commission des transports au Congrès. Leur contenu n’a pas été dévoilé mais ils sont jugés «inquiétant­s» au regard de la réponse du groupe concernant les problèmes de sécurité entourant l’avion.

A court terme, le nouveau patron du constructe­ur devra obtenir une nouvelle certificat­ion pour permettre le retour en vol des 737 MAX. «Ce modèle représente 80% du carnet de commandes de Boeing, souligne Arnaud Aymé. Au-delà de la reprise des vols, il y a la question de l’après qui se posera au niveau directeur. Y aura-t-il une nouvelle version du 737, sachant que c’est déjà la quatrième? Ou est-ce qu’il faut lancer un programme totalement neuf mais qui coûtera très cher?» Enfin, le constructe­ur devra aussi parvenir à convaincre les passagers qu’ils peuvent emprunter son avion sans risque. ▅

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