Google a battu les grands philosophes
Le consentement se trouve au coeur d’un important débat de société. Depuis le livre du même nom de Vanessa Springora, experts et simples citoyens débattent de cette notion, quand bien même la loi a posé un cadre. De manière plus globale, le consentement a des usages et des règles, il fait partie de la vie en société. Ainsi, si vous dirigez une entreprise dans un pays, vous acceptez le système juridique en place. Sauf si vous vous appelez Carlos Ghosn. Tout comme vous ne détournez pas du droit chemin de jeunes adolescentes. Sauf si vous vous appelez Gabriel Matzneff.
Pour ce dernier, des élites intellectuelles ont consenti à ce qu’il faisait. Elles ont décidé – dans un mouvement très peu démocratique – de sortir un homme du lot et de consentir à ses agissements pédocriminels en l’invitant sur des plateaux de télévision, en parlant de ses oeuvres dans des journaux (y compris le nôtre), voire en lui décernant prix, distinctions et autres rentes. Moralité: les rebelles ne sont décidément plus là où on le croit et, en tant que journalistes, nous devons toujours nous méfier de notre fascination pour le soufre.
Plus enthousiasmant, les jeunes pour le climat – qui ont planifié une partie de tennis dans une agence du Credit Suisse – ont bénéficié de la clémence de la justice. En première instance, le juge a estimé que la balance penchait davantage du côté de la désobéissance civile que de la protection de la sphère privée. On le voit, tout le monde n’a pas la même idée du contrat social et il convient pour un juge de peser les intérêts.
Il apparaît ainsi que le consentement dépend de luttes de pouvoir. Il y a ceux comme Carlos Ghosn qui ont le toupet, la chuztpah même, d’installer un rapport de force, dans ce cas-là contre le système judiciaire d’un pays tout entier. C’est certes plus facile à faire avec les moyens illimités d’un ex-patron de multinationale. Il y a aussi l’artiste décadent. Lui estime qu’une sorte de licence liée à sa fonction lui autorise toutes les transgressions, son aura lui évitant les poursuites. Et il y a ceux dont la mission est dictée par l’urgence et l’état de nécessité.
Alors, peut-on forcer le consentement en toute légitimité? «Un non veut(-il) vraiment dire non», comme le disent – avec raison! – les féministes quand il s’agit pour une femme de repousser les avances d’un homme? Notre époque donne décidément un contour flou à la notion de consentement. N’importe quel être rationnel, s’appuyant sur de grands idéaux de liberté et nourri par les grands philosophes, me dira le contraire avec d’excellents arguments. Sauf que tout le monde accepte n’importe quel cookie ou «règles et conditions générales» des réseaux sociaux pour pouvoir surfer plus facilement. Nos enfants nous feront-ils le procès dans vingt ans d’avoir laissé filer toutes nos données alors que nous savions de quoi il retournait?
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