La Suisse, arbitre des migrations à l’OCDE
La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a présidé, les 16 et 17 janvier, une réunion ministérielle de l’OCDE sur la migration et l’intégration. Au coeur des discussions: la question du retour pour les demandeurs d’asile déboutés
Karin Keller-Sutter devrait venir plus souvent à Paris. A l’évidence, sa présidence de la réunion ministérielle de l’OCDE sur les migrations et l’intégration les 16 et 17 janvier a été un succès. «Avoir la Suisse aux commandes de ce sujet rassure. La fermeté helvétique sur les retours au pays des demandeurs d’asile déboutés et l’accent mis sur l’indispensable intégration des réfugiés ont été salués», confirme un diplomate français au château de la Muette, le siège parisien de l’organisation des pays développés. La cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) s’en est d’ailleurs félicitée.
Même la Hongrie, dont le ministre a catégoriquement affirmé que son pays ne veut pas de migrants, s’est ralliée aux conclusions communes: «C’est un bon signe. Ces désaccords n’empêchent pas de reconnaître que les migrations doivent être un champ d’action commun, en particulier au niveau européen», s’est félicitée Karin Keller-Sutter.
«Accélération des procédures d’asile»
Pour la conseillère fédérale, cette réunion parisienne, en présence de la commissaire européenne chargée des Affaires intérieures et des Migrations, Ylva Johansson (Suède), avait un avantage de calendrier. Elle intervenait à la veille de sa rencontre à Davos, lundi, avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et à quelques jours du Conseil informel des ministres de la Justice à Zagreb, le 23 janvier. «L’une des clés dans la gestion des migrants, reconnue par tous, est l’accélération des procédures d’asile, poursuit Karin Keller-Sutter. Ce que fait la Suisse, en préparant d’emblée le retour des personnes qui ne sont pas éligibles et, surtout, en le leur faisant savoir, fonctionne à condition que les procédures soient rapides. Lorsque des personnes restent de longs mois, voire plusieurs années, tout change. Les enfants sont scolarisés, des mariages sont célébrés…»
La Commission européenne, qui devrait avancer des propositions sur les migrations en mars, plaide pour une gestion commune des retours. Six cent quarante mille demandes d’asile ont été déposées au sein de l’UE en 2018. Un pays comme la France n’a accepté, cette année-là, que 27% des demandeurs. Mais d’un pays à l’autre, les critères (selon les pays d’origine) continuent de différer. «Il nous faut impérativement trouver des règles communes face aux migrations, pour la gestion des clandestins comme pour l’intégration», complète la cheffe du DFJP. Selon elle, l’hostilité des pays d’Europe centrale doit ouvrir un débat sur la manière dont ces derniers peuvent néanmoins contribuer sous forme logistique ou financière.
La Suisse a confirmé sa participation au renforcement des frontières extérieures de l’espace Schengen, pour lequel un corps de 10 000 gardes-frontières européens est en voie de création, aux cotés des 100000 gardes-frontières des pays membres.
Karin Keller-Sutter reçue par Christophe Castaner
Le ministre français de l’Intérieur, Christophe Castaner, souvent dans le collimateur pour la question des violences policières en ces temps de grève et de manifestations, avait reçu Karin Keller-Sutter jeudi. La votation du 17 mai sur la fin de l’accord de libre circulation avec l’UE a été moins évoquée, selon la conseillère fédérale, que la question des poursuites policières transfrontalières. Il n’en a pas été de même avec la commissaire européenne Ylva Johansson, à qui, selon des diplomates, un message a été passé: «Inutile de faire pression sur la Suisse. Tant que le peuple ne s’est pas prononcé, il n’y a rien à négocier.» ▅
Même la Hongrie s’est ralliée aux conclusions communes