«Il n’y a pas de dynamique sportive du territoire»
La ministre française des Sports Roxana Maracineanu, ancienne championne du monde de natation, estime que Jura suisse et français pourraient davantage collaborer pour des projets transfrontaliers
Lorsque vous étiez nageuse à Mulhouse, quels contacts aviez-vous avec les Suisses?
Roxana Maracineanu: Nous allions à des meetings à Bâle ou en Allemagne. On ne se côtoyait que dans des moments comme cela, et je l’ai regretté à la fin de ma carrière. Je suis allée une fois m’entraîner en Allemagne, mais assez loin de Mulhouse, et cela m’a permis de démythifier mes adversaires: j’étais un peu complexée, elles les grandes Allemandes et moi qui étais toute petite. En rentrant, je me suis dit: «C’est fou, on est tout proche et on fait peu d’échanges d’expériences.»
Les structures fédérales, souvent centralisées, renforcent-elles les frontières? Il n’y a pas de dynamique sportive de territoire. Cela se fait un peu au coup par coup, quand il y a une compétition et que l’on veut amener du monde en invitant les voisins, mais il n’y a pas une politique derrière qui fait que les liens s’entretiennent. Cela amènerait pourtant du dialogue, des échanges, voire permettrait de pousser sur des projets transfrontaliers plus grands, plus importants que le sport, comme des routes ou des équipements communs.
Connaissez-vous le cas du ski nordique dans les deux Jura? Plus comme amoureuse de la région – je viens ici en vacances depuis dix ans – que comme ministre. Ce que je sais, c’est qu’il existe un grand projet de domaine skiable commun La Dôle-Les Tuffes, et qu’il a du mal à voir le jour, alors qu’il serait très utile pour rendre la région plus attractive. Il y a des accords entre stations, mais ce n’est pas satisfaisant parce qu’elles restent très éparpillées. Le potentiel touristique de la région est énorme: un territoire rural, à deux heures de Lyon, trois heures de Paris, dans une ambiance plus cool que les Alpes, c’est ce que beaucoup de gens recherchent. Ces territoires mériteraient d’être mieux structurés et si des projets transfrontaliers peuvent y contribuer, j’y suis favorable. Tout en préservant, comme sait le faire la Suisse, l’aspect traditionnel de son paysage.
Comment expliquez-vous l’efficacité du système français? Dans des sports où l’équipement est aussi important, nous avons concentré la pratique autour des infrastructures disponibles. Il n’y a pas beaucoup de tremplins pour le saut à skis et le combiné en France, mais il y en a deux aux Rousses et à Chaux-Neuve. Ensuite, nous avons un fonctionnement particulier, marqué par un lien très fort entre les fédérations et l’Etat, avec des fonctionnaires du Ministère, détachés auprès des fédérations. La Fédération française de ski bénéficie ainsi de 80 fonctionnaires d’Etat qui travaillent pour elle. Cette mise à disposition autour de pôles d’excellence nous donne de l’expérience et de la stabilité.
Enfin, si traditionnellement le budget de l’Etat pour le sport n’est pas très important, il est dix fois plus grand lorsque l’on additionne les diverses collectivités.
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ROXANA MARACINEANU
MINISTRE FRANÇAISE DES SPORTS
«Le potentiel touristique de la région est énorme: un territoire rural, à deux heures de Lyon, trois heures de Paris, dans une ambiance plus cool que les Alpes»