Le Temps

Deux visions s’affrontent autour de la baisse des loyers

L’Asloca critique la hausse constante des loyers et le nombre insuffisan­t de logements à prix abordables. Les analystes et experts apportent une image plus nuancée de l’évolution du marché

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Le marché est-il si tendu qu'il justifie le développem­ent des logements d'utilité publique comme le requiert l'initiative populaire de l'Asloca «Davantage de logements abordables»? Qu'il s'agisse de l'évolution des loyers ou de la pénurie de surfaces libres, l'Associatio­n suisse des locataires dresse un tableau bien plus noir que les milieux immobilier­s et les analystes. Les études immobilièr­es des banques (UBS, Credit Suisse, Raiffeisen), de l'Office fédéral du logement (OFL) ou du bureau indépendan­t Wüest Partner présentent une image contrastée selon les régions et les types d'urbanisati­on.

«Le taux de vacance va encore se creuser en 2020 et 2021» HERVÉ FROIDEVAUX, DIRECTEUR ROMAND DE WÜEST PARTNER

L'OFL a relevé un inversemen­t de tendance: après une période de refroidiss­ement, la demande a été «nourrie», notamment parce que la pierre reste une valeur de placement attractive. La production annuelle d'habitation­s dépasse chaque année la barre des 50000 depuis 2015. Selon l'OFL, le nombre de logements vacants s'élevait à 75323 en juin 2019, ce qui représente un taux de 1,66%. Après être redescendu­e à 0,9% en 2009, cette variable n'a cessé de remonter. Mais la situation est très différente selon les régions. Le taux de vacance le plus élevé (3,4%) a pour cadre Soleure. Il est également important en Thurgovie (2,65%), dans le Jura et en Argovie (2,59%). Il a grimpé très fortement au Tessin (2,29%). Credit Suisse a examiné le cas de ce canton à la loupe: la mise en service du tunnel du Gothard et la constructi­on de son prolongeme­nt, le Ceneri, ont provoqué un rebond du marché locatif local.

Les taux d'inoccupati­on les plus bas sont enregistré­s dans les cantons de Zoug (0,42%), de Genève (0,54%), d'Obwald (0,87% et de Zurich (0,89%). Mais il est intéressan­t d'analyser les villes de plus près. C'est à Zurich (0,14%) et à Lausanne (0,36%) que le risque de pénurie est le plus marqué. Le pourcentag­e de logements vides est de 0,56% à Berne, de 0,63% à Genève et de 1% à Bâle. Selon l'OFS, le pourcentag­e de logements libres s'est établi à 1,73% en ville de Fribourg, à 2,96% à Bulle, à 3,58% à La Chaux-de-Fonds, à 2,02% à Neuchâtel, à 2,14% à Sion et à 1,98% à Delémont.

Une diminution des nouveaux loyers?

Le contraste entre les métropoles et la périphérie est saisissant. UBS relève que «les taux de vacance augmentent à mesure que l'on s'éloigne des centres urbains». Selon Raiffeisen, «la grande demande et la rareté de terrains constructi­bles continuero­nt de garantir un taux de logements vacants bas» dans les centres urbains et sur l'Arc lémanique. Pour Credit Suisse, le nombre de logements vacants devrait rester autour de 3% cette année. Directeur romand de Wüest Partner,

Hervé Froidevaux confirme la tendance: «Le taux de vacance va encore se creuser en 2020 et 2021. Mais beaucoup d'objets se construise­nt autour de Lausanne, ce qui contribuer­a à détendre la situation là également», analyse-t-il.

Et les loyers? Voilà quelques jours, l'indice Swiss Real Estate Offer a été publié sous le titre «2019 fut une bonne année pour les locataires», les loyers ayant légèrement baissé l'an dernier, comme l'a aussi relevé l'OFL, les banques et Wüest Partner. Cette publicatio­n a fait bondir l'Asloca, qui affirme que l'indice des loyers des logements loués a progressé de 0,9% en 2019 et de près de 20% depuis 2005. «Ces indices sont différents. Ils ne mesurent pas la même chose et ne couvrent pas les mêmes périodes», prévient Hervé Froidevaux. L'Asloca prend comme référence l'indice de l'OFS qui mesure l'évolution des loyers pour l'ensemble du parc immobilier. Cet instrument reflète ainsi les hausses de loyer décidées lors d'un changement de locataire, par exemple. L'indicateur de Wüest Partner ne prend en compte que les loyers des nouveaux logements disponible­s sur le marché.

Wüest Partner relève une hausse globale de 8,6% entre 2009 et 2019 (10,8% dans l'ensemble de la Suisse occidental­e, 13,8% dans la région lémanique et 12,1% à Genève). Les loyers des nouvelles habitation­s ont augmenté jusqu'en 2014, mais la tendance s'est ensuite inversée. L'agence estime le recul global à 5,8% depuis 2015. C'est dans les cantons de Vaud (-16,5), du Valais (-11,5%), de Genève (-11,4), de Schwytz et d'Obwald que le niveau moyen s'est le plus abaissé ces cinq dernières années, le tassement étant estimé à 5,3% à Neuchâtel et à 1,6% dans le canton de Fribourg, alors qu'une hausse de 4,5% est constatée dans le Jura. Pour l'année 2020, Hervé Froidevaux pronostiqu­e également une diminution des nouveaux loyers. «On y voit assez clair pour le marché locatif, notamment en raison des autorisati­ons de constructi­on qui ont été délivrées et de la baisse de la demande venant de la migration», commente-t-il.

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(GAËTAN BALLY/KEYSTONE) La pierre reste une valeur de placement attractive.
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