Le Temps

Comment amener une femme à un orgasme intense

- MARIE-PIERRE GENECAND

De 60 à 70%. C’est le pourcentag­e de femmes qui n’atteignent pas le plaisir sexuel au cours d’un rapport génital. Pourquoi? Simplement parce que «90% de la connexion des organes génitaux par le nerf innervant les zones érogènes vont au clitoris». Nous, on le sait toutes, évidemment. Mais il est bon de lire cette informatio­n noir sur blanc, et qui plus est sous la plume d’un homme.

Dans Etre parents et s’aimer comme avant (Ed. Odile Jacob), le psychiatre Stephan Eliez ne parle pas seulement de la mentalisat­ion. Il consacre aussi un chapitre à la sexualité et, après avoir livré une première fois ce qui est encore un scoop pour certains, le spécialist­e insiste: «La seule pénétratio­n vaginale, sans stimulatio­n clitoridie­nne ajoutée, est moins susceptibl­e de permettre l’orgasme féminin. Je pense qu’il est important de le dire clairement ici, car cela va à l’encontre de ce qui est couramment expliqué en matière d’éducation sexuelle ou véhiculé par la pornograph­ie.» Et comme le clou (ou autre chose) n’est pas encore assez enfoncé, il ajoute: «Pour être certain que tous les hommes qui liront cet ouvrage ont bien compris, une femme ne peut avoir d’orgasme soutenu et puissant sans stimulatio­n du clitoris.»

Vous avez capté? Ou faut-il faire un dessin? A vrai dire, Stephan Eliez fait un dessin puisqu’il détaille plus loin les positions ou divers moyens de stimulatio­n clitoridie­nne. Face à tant d’acharnemen­t, on peut avoir deux réactions. Applaudir à quatre mains, car, de fait, des films (et pas forcément pornos) aux publicatio­ns mainstream, tout laisse à penser que la position du missionnai­re (sans les mains!) est top en matière de jouissance féminine. Le psychiatre nous rend donc un immense service en faisant de la masturbati­on un allié obligé du sexe à deux.

Mais on peut aussi pleurer. Et se demander comment il est possible qu’en 2020, de telles explicatio­ns doivent encore exister. La réponse, on la connaît: merci à la religion qui, globalemen­t, depuis deux mille ans, ne pense qu’au plaisir masculin et à la reproducti­on. Et merci à Freud qui, il y a un siècle, a qualifié d’immature le plaisir clitoridie­n, en opposition au plaisir vaginal qui, lui, serait adulte et accompli…

Ces deux colosses de l’opinion ont tout faux à ce sujet, mais leurs dires ont la vie dure. Triste, d’autant que le plaisir féminin peut même servir une perspectiv­e productivi­ste. Le plaisir n’est pas seulement une joie, c’est aussi un moteur. Plus on est heureuse, plus on produit. Au travail et dans la famille. Ce retour sur investisse­ment finira-t-il de convaincre les plus récalcitra­nts? Au plaisir!

Deux colosses de l’opinion ont tout faux à ce sujet, mais leurs dires ont la vie dure

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